Par Elsa Girard-Basset | Journaliste web
Personnage aussi talentueux que provocateur, Serge Gainsbourg a laissé une empreinte indélébile dans le paysage musical français. Et si certains sont très prompts à lui vouer une admiration sans bornes, d’autres sont un peu plus mitigés vis-à-vis de « Gainsbarre ». C’est ainsi qu’Alain Souchon, qui ne s’est jamais entendu avec lui, a vidé son sac dans sa biographie.
En tournée avec ses fils, comme pour boucler la boucle, Alain Souchon n’a plus rien à prouver dans le milieu de la musique. Du haut de ses 79 ans et de ses longues décennies de carrière, l’éternel acolyte de Laurent Voulzy a tout fait ou presque. Et certains de ses tubes, de « Foule sentimentale » à « La ballade de Jim » en passant par « Sous les jupes des filles », sont devenus des standards incontournables.
Ce que le grand public a oublié, en revanche, c’est que Souchon s’est aussi essayé à une carrière d’acteur au début des années 1980. L’occasion pour lui de vivre une passion torride avec Isabelle Adjani, d’une part, mais également de croiser la route d’un certain Serge Gainsbourg, issu du milieu de la chanson comme lui. Et entre eux, ce n’était pas l’amour fou.
Alain Souchon et Serge Gainsbourg, une relation tendue
Dans sa biographie « Alain Souchon, la vie c’est du théâtre et des souvenirs », qui paraît ce 11 avril, l’interprète de « Et si en plus y’a personne » revient sur sa collaboration avec Gainsbarre dans le film « Je vous aime », en 1980. Et très vite, les deux artistes se sont titillés :
Je l’agaçais, sans doute à cause de l’engouement que je suscitais à l’époque. Il jouait au désabusé, me disait : « Alors, comment va le business ? » Je lui répondais : « Ce n’est pas du business que je fais, c’est de l’art ». Il ricanait.
D’après l’analyse de Souchon lui-même, c’est en fait pour masquer leur timidité respective que les deux hommes se paraient d’une certaine façade :
Il était timide et moi aussi. Pour vaincre ma timidité, je le bousculais un peu. Je faisais exprès de le taquiner, lui tapais sur les cuisses. Il n’aimait pas ça.
Vous l’aurez compris : Gainsbourg et Souchon étaient trop différents, trop éloignés et trop rivaux pour laisser place à une relation saine et détendue. Aujourd’hui, le septuagénaire ne semble d’ailleurs pas garder un immense souvenir de son homologue, décédé en 1991. Il lui trouve tout de même quelques qualités, disséminées entre quelques critiques ici et là :
Il était à la fois pathétique et touchant. C’était un homme raffiné, mais ce rôle de Gainsbarre un peu dégueulasse, genre copain de régiment, lui convenait.
L’histoire retiendra néanmoins qu’en 1978, Souchon avait repris la célèbre « Elisa » de Gainsbourg, avec réussite :
S’il existait sûrement un respect mutuel entre Alain Souchon et Serge Gainsbourg, certes bien enfoui, il n’a jamais vraiment pu s’exprimer après leur rencontre manquée sur le tournage de « Je vous aime ». Tout cela n’empêche évidemment pas de reconnaître le talent et la personnalité atypique de ces deux géants de la musique française, dont il appartient à chacun de faire perdurer l’oeuvre.