Par Joël Pütz | Journaliste sportif
C’est devenu une habitude au fil des années, les rookies doivent souvent répondre à des questions lunaires en amont de leur draft et même après celle-ci. Mais certaines sont particulièrement lourdes de sous-entendus, une expérience bizarre qu’a notamment connu Rex Chapman avec son propriétaire dans les années 80.
De nos jours, la NBA se veut de plus en plus progressiste et défend ardemment les droits civiques pour les minorités aux États-Unis. Mais ce ne fut pas toujours ainsi, en particulier il y a quelques décennies alors que le pays sortait péniblement d’une sombre période de ségrégationnisme. Un véritable bouleversement sociologique dont les ajustements ont parfois été compliqués à gérer, y compris pour les franchises.
Drafté en 1988, Rex Chapman a passé une douzaine de saisons sur les parquets professionnels. Passé par les Hornets, les Wizards, le Heat et les Suns avant de prendre sa retraite en 2000, il n’a cependant jamais oublié qu’au moment d’intégrer la NBA il était presque destiné a rejoindre certaines franchises… pour la simple raison qu’il était blanc, comme il l’a récemment raconté dans l’émission Pablo Torres Finds Out :
Je les ai regardés en me demandant, « mais vous me racontez quoi là bordel ? » Ils m’ont dit : « Rex, la plupart des détenteurs de billets de saison sont blancs, les sponsors sont blancs et les fans sont blancs, donc les gens veulent venir voir jouer des gens qui leur ressemblent » et j’ai dit : « Vous vous foutez de moi ? ».
L’expérience lunaire vécu par Rex Chapman avec les Hornets
Il n’est pas rare que les entretien pré-draft des joueurs avec les scouts et dirigeants donnent lieu à des séquences bizarres, mais celle-là paraît tout de même assez grotesque dans le contexte actuel. Le fait est que Chapman a débarqué à Charlotte en Caroline du Nord ,où les droits des minorités suscitent encore le débat à ce jour. Comme l’ex-arrière l’a expliqué, son grand patron avant notamment eu une question lunaire :
Devinez qui m’a pris à la draft ? Les Charlotte Hornets, une toute nouvelle équipe dans la Bible Belt (zone géographique des US marquée par une forte population de chrétiens protestants, ndlr). Quand je suis arrivé à Charlotte, j’ai rencontré le propriétaire pour la première fois, puis il m’a emmené dans le sous-sol de sa maison, m’a servi quelque chose à boire et m’a dit : « Hé Rex, tu as une petite amie noire ? »
J’avais 19 ou 20 ans à l’époque et j’étais tellement fatigué d’entendre ça qu’il a immédiatement enchaîné avec : « Non, non, non, non, non, personnellement je m’en fiche. C’est juste, tu sais, je m’en fiche. » Et il a dit ceci : « C’est juste, nous vivons ici dans la Bible Belt. Les gens qui craignent Dieu n’aiment pas ça. Et tu ne devrais pas faire ça en public. »
Si vous vouliez jouer aux Hornets dans les années 80, il fallait visiblement répondre à deux critères précis : être blanc et/ou ne pas avoir de compagne afro-américaine. C’est dire si les tensions raciales jouait un rôle prépondérant au sein de la grande ligue…