Par Elsa Girard-Basset | Journaliste web
Artistes majeurs de la scène française, Jacques Dutronc et Jean-Jacques Goldman sont tous les deux particulièrement appréciés du public français. Pourtant, ces deux monstres sacrés de la chanson n’ont jamais vraiment collaboré ensemble, et pour cause : leur tentative s’est révélée infructueuse. Et Dutronc en garde visiblement un bien mauvais souvenir…
En plus d’avoir crée un nombre incalculable de tubes pour lui-même, Jean-Jacques Goldman a écrit de très nombreux titres pour d’autres artistes. Johnny Hallyday, Céline Dion ou Marc Lavoine ne sont que quelques uns des grands noms qui ont recouru aux services du discret génie de la chanson française. Mais Jacques Dutronc, lui, a fait les choses autrement.
Jacques Dutronc assume être paresseux et recadre Goldman
Dans un entretien récemment accordé au JDD, l’octogénaire a été questionné sur cette réputation de paresseux qu’il se traîne depuis de longues années. Loin de nier l’évidence, le père de Thomas Dutronc assume clairement :
Il paraît, en effet, que je suis paresseux, et tant mieux.
Pour renforcer son propos, l’interprète de « Il est 5 heures, Paris s’éveille » a souligné une remarque de Jean-Jacques Goldman envers lui qu’il n’a toujours pas digérée. Il faut dire que Dutronc, dandy unique en son genre, s’était permis de refuser les chansons sur-mesure du compositeur :
Il y a un art de ne rien faire… et de ne faire rien aussi ! Le dernier qui m’a traité de paresseux, c’est Jean-Jacques Goldman. Ce devait être en 1990 ou 1992. Il m’avait fait tout un dossier de fort belles chansons, c’était très bien réalisé. Mais je n’avais pas envie de faire les choses comme ça. Je voulais être en dehors du… oui, en dehors, un peu.
Ensuite, j’ai fait le Casino de Paris. Et il m’a dit « Mais tu es paresseux, travaille ! »
Inutile de dire que la collaboration n’est pas allée plus loin, tuée dans l’oeuf par deux manières de voir les choses totalement opposées. Dutronc ne démord en effet pas du fait qu’une chanson ne doit pas être « fabriquée », à la manière de ce que Jean-Jacques Goldman lui avait pourtant amené sur un plateau :
Pour moi, le travail associé avec la chanson, c’est fabriqué. Fabriqué ! Fais-moi une chanson d’amour.
On retrouve la même chose au cinéma : on vous engage pour ce que vous êtes et une fois que vous avez accepté le rôle, on vous transforme. Une chanson fabriquée n’est pas possible pour moi.
Soucieux d’enfoncer le clou, l’ancien compagnon de Françoise Hardy a ensuite étayé sa pensée, réfutant la théorie selon laquelle ses chansons pourraient être classées dans des « tiroirs » imaginaires :
Je n’ai pas de commode avec des tiroirs dans lesquels sont logées des chansons d’amour, des chansons ceci, des chansons cela… Je n’ai jamais fabriqué de chansons en pensant au public. Sauf deux, mais elles ne sont jamais sorties.
Si on ne doute pas que Jean-Jacques Goldman, auteur-compositeur de génie, avait préparé de formidables chansons pour Jacques Dutronc, ce dernier n’a pas tout simplement pas adhéré à la méthode de son homologue, et encore moins à son injonction de se mettre au travail. Une collaboration qui n’a donc jamais abouti, et que l’on peut ranger dans les nombreux « et si ? » de l’histoire de la musique française…