Par Elsa Girard-Basset | Journaliste web
Personnage majeur du Mondial 1998, même s’il n’en a pas été le héros comme Zinédine Zidane, Youri Djorkaeff a peut-être été le joueur offensif le plus constant des Bleus. Il l’a encore prouvé en finale avec une inspiration de génie, qui s’est traduite par quelques mots adressés à destination de Zizou. La suite appartient à l’histoire…
Meilleur joueur de l’équipe de France lors de la Coupe du Monde 1998 d’après la plupart des observateurs et de ses coéquipiers, dont Robert Pirès qui l’a répété tout récemment, Youri Djorkaeff a été décisif à plusieurs reprises durant le tournoi – et surtout dans les moments les plus importants.
Youri Djorkaeff révèle son échange avec Zidane avant son but
Déjà auteur de la passe décisive pour le premier but de Lilian Thuram contre la Croatie en demi-finale, l’ancien joueur de l’Inter Milan a de nouveau offert une offrande à un coéquipier en finale. Conformément aux consignes d’Aimé Jacquet, Djorkaeff a en effet pris ses responsabilités pour donner un caviar à Zinédine Zidane, comme il l’a raconté au site de la FFF :
Avant le match, on avait beaucoup travaillé les coups de pied arrêtés, qu’Aimé avait bien identifié comme leur point faible. Leur marquage en zone laissait apparaître quelques failles. On va le voir sur notre premier corner, côté droit, que Manu Petit va tirer de son pied gauche pour cette trajectoire rentrante que Zizou prend de la tête pour ouvrir le score. Bien sûr, on célèbre le but mais sans se dire que le plus dur est fait. Non, il faut poursuivre le travail entamé.
Deuxième corner, côté gauche cette fois. Normalement, c’est Zizou qui les tire de ce côté et, moi, je me poste à l’entrée de la surface à la retombée du ballon. Mais là, je lui dis : « Attends, laisse, je vais le tirer celui-là… » C’est une façon de prendre mes responsabilités, avec un entraîneur qui sait nous laisser cette latitude. Je dis à Zidane d’aller se replacer à peu près dans la même zone que sur le premier but.
On connait la suite : corner rentrant et boum ! Deuxième but de la tête de Zizou. Là, on se dit qu’on est vraiment sur un bon chemin. Un moment très fort. D’ailleurs, c’est notre célébration après ce but, où on nous voit Zidane et moi, avec Petit en arrière-plan, qui sera sur la célèbre photo en une de L’Équipe le lendemain matin.
Après ces deux moments de magie, les Bleus ont fait le plus dur, mais la tension est palpable. Là encore, Djorkaeff dévoile quelques détails de l’intimité des Français à cet instant charnière :
On mène donc 2-0 à la mi-temps et pourtant, dans le vestiaire, on s’embrouille tous ! (Il rit). C’est pour des broutilles, du genre l’un qui dit à l’autre : « Faut rien lâcher ! », et l’autre qui répond : « Ben oui, pourquoi tu me dis ça ? »
Il y a cette tension hors norme qui fait qu’on est dans des réactions exacerbées et des émotions pas toujours contrôlées. Aimé va nous laisser nous embrouiller un petit moment et, d’un coup, on va l’entendre hurler : « Taisez-vous ! Je ne veux plus vous entendre ! » D’un coup, le silence se fait… Et le sélectionneur va alors nous dire tous les ajustements nécessaires en vue de la seconde période.
Grand joueur souvent sous-côté en dépit de son excellent tournoi, Youri Djorkaeff a eu la vision de prévenir Zinédine Zidane pour lui donner ce caviar décisif. L’exemple parfait d’un effectif qui fonctionnait parfaitement sous l’autorité d’Aimé Jacquet, mais qui avait la latitude de se gérer et de porter si haut les couleurs bleues.