Par Elsa Girard-Basset | Journaliste web
Tandis que la part de joueurs de confession musulmane se fait de plus en plus importante dans les équipes de football françaises, la question de la pratique du Ramadan et de son impact sur les performances se pose forcément. Interrogé sur le sujet, Habib Beye, ancien joueur reconverti en entraîneur aux grandes ambitions, avait livré son avis clair et net sur le sujet.
Quelle est la position d’Habib Beye, entraîneur du Red Star entre 2021 et 2024, et nouveau patron du Stade. Rennais sur la pratique du Ramadan en pleine saison ? Pour le comprendre, il convient d’abord de préciser que l’histoire personnelle de l’ancien Marseillais l’invite à la tolérance et la compréhension de l’autre, comme il le rappelait à « Sénénews » :
Ma mère, Nadine, est française et catholique. Mon père, Abdou, est sénégalais et musulman. Le deuxième prénom de ma soeur, Alexandra, c’est Lena. Moi, c’est Habib Frédéric. Cette double culture est une magnifique richesse pour moi. J’ai grandi dans un environnement laïc. Je mangeais du porc comme tout le monde à la cantine de l’école, je vivais ma vie, et mon père ne m’a rien imposé. Je ne suis jamais devenu musulman, et je ne pratique aucune religion. Mais je crois en Dieu
Habib Beye pas gêné du tout par le Ramadan chez ses joueurs
S’il n’est donc ni croyant ni pratiquant, Beye avait souhaité prendre la parole lorsque la FFF, en 2024, avait décidé de réglementer la pratique du jeûne au sein des sélections nationales françaises. Alors en poste au Red Star, le quadragénaire avait assumé son point de vue :
Ma position, c’est que je respecte vraiment la foi de mes joueurs, quelle qu’elle soit. Ce qu’il faut comprendre, c’est qu’on ne voit que les inconvénients. Moi, je ne vois que les avantages. Ça crée de la cohésion, des discussions, une solidarité que, peut-être, les gens ne voient pas sur un terrain de football. Quand on a recruté nos joueurs on savait qui ils étaient humainement, quelle religion ils pratiquaient, on ne s’est pas réveillé la veille du Ramadan. Notre job, c’est de les accompagner.
D’après le natif de Suresnes, qui avait pris la parole après un match nul face à Nancy, les arguments selon lesquels le Ramadan nuit à la forme physique et donc à la performance des joueurs concernés ne sont pas pertinents – au contraire :
Ce qui me dérange, c’est de penser que des joueurs ne sont pas performants parce qu’ils font le ramadan. Quand vous regardez mon équipe, aujourd’hui, j’en ai 14 [qui font le Ramadan] et 5 qui font le Carême.
Sur un groupe de 26 joueurs, j’ai 19 joueurs qui sont impliqués dans une religion qui amène à jeûner. Ce dont on ne se rend pas compte, c’est qu’à ce moment-là ils se retrouvent avec eux-mêmes, c’est une force supplémentaire pour eux.
Le technicien avait ensuite estimé que la religion musulmane était particulièrement stigmatisée dans ce débat :
Je vois des choses très dures à lire et à entendre. J’appelle ça de la discrimination religieuse, parce que si on le fait sur une religion, il faut le faire sur toutes les religions, et ce n’est pas le cas aujourd’hui. On stigmatise et on met les gens dans des cases, on divise, alors qu’on devrait unir autour de cette logique de religion et de partage. Ce que je vois, ce sont mes joueurs qui jeûnent, à côté de joueurs qui ne jeûnent pas, il y a un échange, ça rigole, ils partagent les mêmes moments et ça, j’appelle ça de la cohésion. J’en suis très fier.
Pas franchement fan de la volonté de la FFF de réglementer la pratique du Ramadan par les joueurs musulmans, Habib Beye a tenu à prendre le contre-pied du discours habituel. Au lieu de souligner les effets négatives du jeûne, qui, physiologiquement, sont indéniables il a tenu à mettre en exergue le positif. Avec un discours de rassemblement et d’unité.