Par Elsa Girard-Basset | Journaliste web
Alors que la France continue désespérément à chercher un tennisman français capable de s’installer dans le top 5 mondial et, pourquoi pas, de succéder à Yannick Noah au palmarès de Roland-Garros, de nombreuses questions se posent sur le fonctionnement au sein de la FFT. Arnaud Clément, lui, a proposé ses solutions sans passer par quatre chemins, évoquant notamment le modèle chinois.
Qu’est-ce qui cloche dans le tennis français ? Voilà maintenant de très longues années que la question se pose, et que des réponses peinent à être apportées. Un constat est certain : certaines choses n’ont pas été faites correctement, et ce n’est pas Arnaud Clément qui vous dira le contraire.
Arnaud Clément très honnête sur le modèle tennistique français
Dans un entretien accordé à L’Équipe en marge des élections 2020 de la FFT, lors desquelles il avait soutenu Gilles Morreton, le natif d’Aix-en-Provence avait vivement critiqué la vision du haut niveau du tennis français :
J’ai l’impression aujourd’hui qu’on est sur le très court terme, de la formation jusqu’au moment où le joueur essaie d’être professionnel. On ne construit pas bien les jeunes joueurs, à vouloir absolument être les meilleurs en 8-9 ans, en 9-10, 11-12, à les envoyer systématiquement sur des tournois internationaux. C’est ma sensibilité. On ne construit pas un joueur comme un robot.
Aujourd’hui, on a un plan, « cette catégorie ça se passe comme ça, c’est tant d’heures et tant de tournois », « cette catégorie c’est encore plus d’heures ». On parle d’augmenter des doses de travail pour des enfants de 6-7 ans… Le tennis évolue, je sais, mais on n’est pas assez dans l’adaptation aux joueurs. Sous couvert de vouloir absolument un gars qui veut gagner Roland-Garros, on arrive à dégoûter des enfants qui vont passer très vite à autre chose. La baisse des licenciés est peut-être aussi due à ça.
Alors quelle(s) solution(s) ? Pour Arnaud Clément, il convient de s’adapter, mais sans pour autant travestir l’identité du modèle français :
La règle, c’est de l’adaptation.11-12 ans, c’est vingt d’heures d’entraînement par semaine pour les meilleurs, avec des pressions sur les aides supprimées ou réduites si l’enfant ne veut pas être déscolarisé. Tu ne peux pas faire ça à tout le monde, ça ne peut pas être une règle. Moi par exemple, c’était important d’avoir une vie sociale, avec des copains… Les temps de passage dépendent de l’âge de la puberté, de la maturité et de tellement d’autres critères… Aujourd’hui on ne s’adapte pas.
Et l’ancien capitaine de l’équipe de France de conclure en alertant sur les dangers de vouloir s’inspirer d’un modèle encore plus exigeant sur les jeunes, comme c’est par exemple le cas en Chine dans certaines disciplines. Clément a ainsi prévenu :
J’entends qu’on évoque le modèle des pays de l’Est. Nous Français, on ne peut pas se baser sur une autre culture que la nôtre. On ne va pas prendre non plus en modèle les Chinois à 8 ans s’entraînant au tennis de table. On ne peut pas dire : « Ce sont les plus forts, c’est comme ça qu’on va faire… ». Ce n’est pas nous, on ne sera jamais capable de la faire comme ça, on a d’autres choses à faire valoir.
On oublie aussi d’éduquer et d’expliquer aux parents que dans 95% des cas, l’enfant ne va pas passer pro plus tard et ne gagnera pas sa vie en jouant au tennis. On n’est pas assez honnête là-dessus. On peut générer de la frustration et aboutir à des décrochages, sans bagage derrière…
Le modèle chinois, qui a certes fait ses preuves dans plusieurs sports au sein de l’Empire du Milieu ? Pas la solution à privilégier pour Arnaud Clément, qui souhaite remettre les notions d’adaptation, de jeu, et de plaisir au centre de la réflexion. Une ligne directrice claire et nette, à l’heure où le tennis tricolore continue de patauger.