Par Elsa Girard-Basset | Journaliste web
Joueur légendaire de la squadra azzurra dans les années 1970 et 1980, Marco Tardelli se souvient très bien de ses rencontres avec la France sous le maillot de l’Itaie. C’est d’ailleurs à l’hôtel, durant le Mondial 1978, que l’ancien joueur de la Juventus avait été frappé par une différence entre les Français et les Italiens…
Durant les années 1960 et 1970, l’équipe de France a connu une morbide traversée du désert. Pendant que les tricolores patinaient, d’autres nations ont pris le large physiquement, techniquement et tactiquement, à l’image de l’Italie et de l’Allemagne de l’Ouest. Et une anecdote illustre parfaitement ce décalage dans l’approche du très haut niveau.
Marco Tardelli surpris par le côté dilettante des Français
Lors de la Coupe du Monde 1978, la première pour la France depuis 12 ans, Michel Hidalgo a lancé une jeune génération prometteuse autour de Michel Platini. Et si l’expérience a été prometteuse, le regretté sélectionneur a pu mesurer l’écart qu’il y avait avec les meilleures nations, et cela jusque dans le quotidien à l’hôtel. Tardelli explique :
En Argentine, Français et Italiens logeaient dans le même hôtel, l’Hindu Club. J’avais constaté la différence de mentalité entre Italiens et Français. Eux s’amusaient beaucoup au cours des séances de travail. Il y avait une certaine insouciance. Par exemple, leurs femmes étaient présentes à l’hôtel ! Pour nous, Italiens, avec nos mises au vert strictes, c’était un autre monde !
4 ans plus tard, Tardelli a retrouvé Platini en tant que coéquipier, lorsque ce dernier a signé à la Juventus. Mais le natif de Joeuf a connu des premiers mois difficiles, marqués par une pubalgie récurrente. Et une autre différence majeure entre France et Italie a également nécessité de l’adaptation, comme l’explique Tardelli :
Ce n’est pas évident quand tu arrives dans un nouveau pays, dans une ambiance très différente de celle que tu as connue. Michel a découvert un football avec une plus grosse pression qu’en France, des médias omniprésents. En Italie, le match ne s’arrête pas à la 90e minute. Il dure toute la semaine !
Après son adaptation délicate, Platini a trouvé un rythme de croisière effarant et ne s’est plus jamais arrêté. Triple Ballon d’Or en 1983, 1984 et 1985, le Français a subjugué Tardelli, qui en parle encore avec des étoiles dans les yeux :
Déjà, il avait cette qualité impressionnante sur les coups francs, ainsi qu’un tir précis et puissant. Il frappait des deux pieds, de volée, en pichenette, à ras de terre… Et en plus, il était adroit de la tête ! Un joueur complet, à la Cruyff, même si c’était dans un style différent. Tu ne lui prenais pas la balle ! Au moment où tu pensais le contrer, il avait déjà offert le ballon à un coéquipier démarqué.
Il ne semblait pas rapide, mais il était insaisissable car il parvenait à donner ce coup de reins pour t’échapper… On peut considérer que 1983-84 est le top de sa carrière. Et aussi se dire que Michel a été grandiose tant de fois qu’il n’est pas aisé de choisir un moment plutôt qu’un autre.
Il y avait un gouffre dans le professionnalisme au très haut niveau entre la France et l’Italie dans les années 1970, au point de choquer Marco Tardelli, et c’est justement la génération Platini qui a permis aux Bleus de se remettre à niveau et d’envisager l’avenir plus sereinement. Pour cela, ce sont tous les fans de ballon rond de l’Hexagone qui doivent être reconnaissants envers la bande à Michel Hidalgo.