Par Elsa Girard-Basset | Journaliste web
Simples sportifs avant la Coupe du Monde 1998, puis héros nationaux à l’issue de celle-ci, les joueurs de l’équipe de France sont ensuite devenus les symboles d’un pays « black-blanc-beur », selon l’expression rapidement popularisée. Une étiquette évoquée avec franchise par Bixente Lizarazu, d’origine Basque, il y a quelques années.
1,5 million de personnes. C’est la véritable marée humaine qui a envahi les Champs-Elysées au coup de sifflet final le 12 juillet 1998. L’équipe de France venait de battre le Brésil 3-0 pour s’adjuger sa toute première Coupe du Monde, et un pays entier plongeait dans la communion indépendamment des origines, des croyances ou de la religion de l’autre.
Les mois et les années aidant, cette équipe tricolore est devenue le symbole d’une France dite « black-blanc-beur », slogan repris à tour de bras, et jusqu’à l’excès, par les médias et par la classe politique. Mais qu’en pensaient les joueurs eux-mêmes ? D’après Bixente Lizarazu, la réponse est simple : pas grand chose.
Bixente Lizarazu évoque la diversité au sein de France 1998
Invité de France 2 il y a quelques années, le grand ami de Zinédine Zidane avait fait savoir que le groupe France vivait très bien son pluralisme culturel, mais sans avoir besoin de le verbaliser ou d’y apposer une quelconque étiquette :
Ce n’était pas notre slogan mais par contre on le vivait comme ça. C’était une bande de potes avec Youri qui venait d’Arménie, avec Zizou, avec Marcel, avec les Basques… C’est vrai que ça venait de toutes les origines. Mais on ne se posait pas cette question-là. On parlait le même langage. On était une bande de potes.
D’après l’ancien du Bayern Munich, la spontanéité de cette époque est néanmoins bien révolue. Et d’après lui, la situation ne s’est pas franchement arrangée en bien :
J’entends beaucoup parler du « bien vivre ensemble », et je ressens un peu plus de communautarisme qu’avant. À notre époque, on n’avait pas ça.
En tout cas, Lizarazu n’est pas le seul ancien de 1998 à avoir expliqué que le vestiaire n’avait pas attendu le terme « black-blanc-beur » pour vivre dans l’unité. Avec son franc-parler légendaire, Frank Leboeuf avait ainsi lâché :
J’ai toujours dit que c’était un rattrapage politique (sic), cette histoire de black-blanc-beur. On a rendu les gens heureux pendant un été, on n’a pas changé la face de la France. C’était sympa. Nous on a pas calculé comme ça.
On était juste contents de jouer au foot parce que ça faisait partie de notre vie de jouer avec des Noirs, des Maghrébins, des Chinois, etc. La question ne se posait pas. Elle a été récupérée parce que c’était symbolique, mais nous on s’en foutait complètement. On ne se posait pas la question de savoir qui marquait, tout ça.
Bixente Lizarazu l’assure : l’étiquette « black-blanc-beur » a beau avoir été popularisée, elle n’a rien changé à la vie d’un vestiaire qui se nourrissait déjà des forces et des différences de chacun. En revanche, les anciens de France 1998 ne semblent pas forcément à l’aise avec la récupération politique qui a été faite à tout bout de champ à ce sujet. Et on peut les comprendre.