Par Elsa Girard-Basset | Journaliste web
Au-delà de la victoire sportive, le triomphe de l’équipe de France lors de la Coupe du Monde 1998 a donné lieu à un moment d’unité nationale autour d’un symbole érigé par les médias et la sphère politique : l’aspect black-blanc-beur de l’effectif. Mais comment les joueurs ont-ils vécu ce phénomène persistant ? Comme souvent avec lui, Frank Leboeuf y est allé cash.
Retrouvera-t-on un jour un tel moment d’unité ? Difficile de l’imaginer. En 1998, alors que la France vivait encore sans les téléphones portables et sans la technologie de pointe, des millions de personnes se rassemblaient dans les rues de tout le pays après chaque victoire des troupes d’Aimé Jacquet. Des moments de communion incroyables, ponctués par la finale remportée 3-0 face au Brésil.
Bien au-delà du simple volet sportif, les Bleus ont aussi été érigés en exemple pour leur diversité, autour d’un terme resté dans l’histoire : black-blanc-beur. Il est vrai que l’effectif était composé de joueurs de tous horizons, d’origine maghrébine, africaine, basque, ou encore italienne. Mais selon Frank Leboeuf, les principaux concernés ne se souciaient pas vraiment de cela.
Frank Leboeuf calme le jeu sur le mythe black-blanc-beur
Sur le plateau de l’émission « Le Vestiaire », au cours d’une discussion avec Eunice Barber, l’ancien défenseur de Chelsea avait vite dissipé le sujet, soutenu par un Emmanuel Petit qui hochait la tête :
J’ai toujours dit que c’était un rattrapage politique (sic), cette histoire de black-blanc-beur. On a rendu les gens heureux pendant un été, on n’a pas changé la face de la France. C’était sympa. Nous on a pas calculé comme ça.
On était juste contents de jouer au foot parce que ça faisait partie de notre vie de jouer avec des Noirs, des Maghrébins, des Chinois, etc. La question ne se posait pas. Elle a été récupérée parce que c’était symbolique, mais nous on s’en foutait complètement. On ne se posait pas la question de savoir qui marquait, tout ça.
Aux yeux de Leboeuf, les différences de couleur de peau et d’horizons n’avaient aucune importance dès lors que les 23 joueurs étaient fondus sous une seule identité commune : celle d’être Français. De fait, il a été l’un de ceux qui ont interpellé Lilian Thuram quand, au soir du 12 juillet 1998, le latéral droit a voulu faire une photo en non-mixité. Christophe Dugarry se souvient de l’épisode :
On a la coupe, on est en train de faire des photos entre nous (…). Et là j’entends Lilian Thuram, et je ne suis pas le seul Frank Leboeuf aussi, dire : « Allez les Blacks on fait une photo tous ensemble ». (…) Et il y a Frank Leboeuf qui relève et lui dit : « Lilian qu’est-ce que tu dis là ? Imagine si nous, on avait dit : ‘Allez les blancs on fait une photo tous ensemble’, comment tu aurais réagi ? »
Instrumentalisé à maintes reprises depuis, au point d’être devenu une ritournelle de moins en moins impactante, le terme « black-blanc-beur » n’a jamais vraiment résonné auprès des joueurs de l’équipe de France selon Frank Leboeuf. Eux ne voyaient qu’une chose : 23 soldats prêts à porter au plus haut les couleurs bleu-blanc-rouge. Ce qu’ils ont fait avec brio.