Par Elsa Girard-Basset | Journaliste web
Chacun à leur manière, Teddy Riner et David Douillet sont parvenus à marquer au fer rouge l’histoire du judo français, et même mondial. Mais les deux artistes du tatami ont-ils de la considération, voire même de l’amitié l’un pour l’autre ? Si les cartes ont forcément été rebattues au fil des années, une interview croisée des hommes réalisée en 2008 se montre très éclairante.
Double champion olympique à Atlanta en 1996 et à Sydney en 2000, David Douillet est devenu une icône en France au tournant du millénaire. Mais ce que le Rouennais n’avait peut-être pas imaginé, c’est l’émergence d’un certain Teddy Riner, qui l’a surpassé en termes de médailles gagnées, et qui s’est hissé parmi les tous meilleurs judokas de l’histoire de la discipline.
De quoi susciter une certaine rancoeur ? À l’évidence, non. D’abord parce que Douillet ne manque jamais une occasion de complimenter Riner, mais aussi parce que la réussite du natif de Pointe-à-Pitre est aussi, très modestement, la sienne. En effet, au début de la carrière de « Teddy Bear », les deux hommes étaient proches, et ne cachaient pas leur estime mutuelle.
Teddy Riner et David Douillet, un fort respect mutuel
Lors d’un entretien croisé accordé au « Parisien » en 2008, Riner s’était ainsi montré élogieux envers son aîné :
On s’entend bien, on rigole bien. La plupart des lourds, on a un caractère ouvert. J’aime bien David, c’est plutôt un grand frère pour moi. Sur plein de sujets lorsque j’ai envie de faire quelque chose, il me donne son avis. Il me précise toujours : « Tu n’écoutes, ou tu n’écoutes pas ».
Des propos touchants pour Douillet, qui s’était empressé de complimenter à son tour le jeune Riner :
Je me rends compte en regardant Teddy qu’on a énormément de points communs. Il nous suffit parfois d’un regard pour nous comprendre. On a des traits de caractères identiques. Teddy est généreux, il aime et croque la vie. Je préfère ne pas rentrer trop dans le détail pour ne pas donner l’impression d’être présomptueux. Je n’ai pas non plus envie qu’il prenne la grosse tête. Disons qu’on commence à se connaître et à s’apprécier.
À l’écoute de Douillet dans ses jeunes années, Riner lui a posé beaucoup de questions, avec la soif d’apprendre et d’engranger. Mais dès cette interview en 2008, il confessait que « ça commence à devenir pesant de toujours répondre à des questions sur lui ». Désireux de tracer son propre chemin, le Guadeloupéen s’est petit à petit détaché de l’ombre encombrante de son prédécesseur, tout en continuant à s’inspirer de lui. Notamment sur le sujet de la reconversion :
Si je m’inspire de ce que lui a fait ? Bien sûr. Je sais ce qu’il a du fournir comme effort pour réussir sa carrière. Aujourd’hui je le vois, il est bien, il a la belle vie, il prend du plaisir. J’y pense déjà à mon après-carrière, c’est important. Je suis bien entouré, j’ai déjà toute une structure autour de moi. Mon père m’aide beaucoup. (S’adressant à Douillet) C’est marrant, il connait tout de ta vie. Il m’apprend des trucs sur toi !
Évidemment tout heureux de passer du temps avec celui qui fut l’un de ses modèles étant jeune, Teddy Riner a réussi à suivre sa propre voie, sans pour autant rien perdre du respect qu’il a toujours voué à David Douillet. De son côté, le vieux briscard n’a jamais manqué une occasion de complimenter son disciple, même si, après les JO 2024, il n’a pas clairement voulu l’adouber comme le meilleur judoka de l’histoire. Les grands champions ont toujours de l’égo !