Par Elsa Girard-Basset | Journaliste web
Après l’effervescence des Jeux Olympiques, Léon Marchand est bien conscient qu’il a désormais basculé dans une vie nouvelle, à la fois sur le plan professionnel et personnel. Comment le gérer, et surtout comment éviter les écueils ? Alain Bernard, lui aussi champion olympique, a livré ses conseils francs et honnêtes à son cadet.
En s’établissant comme la nouvelle sensation de la natation mondiale, et par sa personnalité qui a tout de suite conquis, Léon Marchand a été la star incontestable des Jeux Olympiques de Paris. Quadruple médaillé d’or en individuel, le Français est passé dans une toute autre dimension, ce qui peut être difficile à gérer au quotidien – lui-même ne s’en est d’ailleurs pas caché.
Le warning d’Alain Bernard à Léon Marchand
Alors comment éviter les pièges ? Alain Bernard le sait mieux que personne, lui qui a glané l’or à Pékin en 2008. Pour lui, le contrecoup ne se vit pas dans les semaines qui suivent les JO, mais après, une fois que la routine a refait surface, et que les premières difficultés pointent le bout de leur nez. Il l’a expliqué à L’Équipe :
Le sentiment de grand vide commence à pointer quand on est un peu au fond du trou à l’entraînement, quand on n’arrive pas à concrétiser ce qu’on met en place parce qu’on a plein de choses en tête avec les partenaires, les médias, les sponsors, les contacts, l’entraîneur, la famille.
En effet, le passage au statut de superstar implique de nombreuses sollicitations extra-sportives, qui peuvent détourner de l’aspect sportif. Aux yeux de Bernard, il s’agit-là du risque majeur, mais le colosse estime que le Toulousain est bien entouré pour faire face à cette situation :
Ça devient parfois un peu brouillon parce qu’on a beaucoup de choses extra-sportives à gérer assez rapidement. Du jour au lendemain, vous recevez des dizaines de sollicitations pour être parrain de telle fête, de telle association. Si vous dites non, on va vous dire : « Ça y est, il a la grosse tête, il ne répond pas. »…
J’avais tendance à rentrer dans une certaine forme de pression à vouloir tellement donner à tout le monde que je m’oubliais moi-même. Il faut mettre des filtres. Léon a son avocate (Carole Bluzat) qui est très pertinente là-dessus. Il ne faut pas qu’il y ait quinze propositions par jour qui lui arrivent dans les oreilles.
Alain Bernard, qui regrette avec le recul de s’être « trop exposé » dans l’année qui a suivi sa médaille, notamment dans des compétitions où il savait ne pas être en mesure de signer ses meilleurs temps, a ensuite évoqué le fameux changement de statut, autre point crucial selon lui. Mais là encore, il fait confiance à Léon Marchand pour appréhender la chose au mieux :
D’un côté, ça booste, et de l’autre, on a envie parfois de passer incognito. C’est très particulier. Léon ne peut être tranquille que dans son cocon, il est presque privé d’un plaisir simple comme boire un verre en terrasse ou manger au restaurant. En revanche, on nous trouve toujours une place, même dans un restaurant complet (sourire). On a plutôt ce tempérament naturel d’introverti mais le sport nous apprend à assumer et faire face à ce genre de situation.
Ne pas laisser l’extra-sportif et les sollicitations diverses et variées polluer d’une part, et apprendre à gérer le quotidien et la notoriété de l’autre : voilà les deux axes à surveiller pour Léon Marchand selon Alain Bernard, qui est passé par-là. Quant aux bassins, il n’y a pas d’inquiétude particulière au regard du professionnalisme du jeune prodige, qui, pour son retour à la compétition, a d’ores et déjà signé le meilleur temps des séries à Shanghaï, et cela après 6 semaines de vacances…