Par Elsa Girard-Basset | Journaliste web
Film classique des années 1970, « L’aile ou la cuisse » repose avant tout sur une association, assez improbable sur le papier, entre Louis de Funès et Coluche. Mais si les deux hommes jouent un père et son fils à l’écran, se sont-ils bien entendus dans la vraie vie au regard de leurs différences ? Les détails de cette relation sont assez croustillants.
Affaibli par une série d’incidents cardiaques dans les années 1970, Louis de Funès savait qu’il jouait gros lors de son retour dans « L’aile ou la cuisse ». Amaigri en raison d’un régime drastique destiné à soulager son coeur, l’interprète de Stanislas Lefort dans « La grande vadrouille » avait besoin d’un partenaire de qualité pour briller. Et après le refus de Pierre Richard, c’est sur Coluche que le réalisateur Claude Zidi a jeté son dévolu.
Le problème, c’est qu’à l’époque, Coluche divise. Avec son humour grinçant voire potache, il est considéré vulgaire par une partie de la France. Tout le contraire de Louis de Funès et de ses personnages bourgeois maniérés, tirés à quatre épingles. Sans surprise, l’acteur a donc d’abord vu d’un mauvais oeil cette proposition presque insultante… avant de totalement changer d’avis.
De Funès et Coluche, du mépris à l’estime et l’affection
Claude Zidi racontait avec beaucoup de franchise la genèse de cette collaboration :
Louis considérait Coluche comme un « jeune con », ce sont ses termes. Une sorte d’ado attardé, grossier et potache. Bref, pas du tout le genre d’humour que pratiquait de Funès. J’ai négocié avec lui durant des mois jusqu’à ce qu’il accepte enfin de le rencontrer. Là, il a totalement changé d’avis. Il m’a dit: « Mais il fallait me le dire plus tôt, que ce jeune garçon était aussi talentueux ! »
Les fameuses négociations évoquées par le réalisateur ont été aidées par Olivier de Funès, fils de l’acteur, âgé de 25 ans à l’époque. Alors que Louis de Funès et sa femme Jeanne se montraient très sceptiques vis-à-vis de la proposition de Claude Zidi, qui était venu pitcher l’idée d’un duo avec Coluche au château de Clermont de la star, Olivier a suggéré à son père en fin de repas d’accepter la proposition. Un tournant décisif.
De son côté, Coluche, lui l’anticonformiste, opposé au conservatisme incarné par De Funès, a été le premier surpris de ses excellentes relations avec le monstre sacré du cinéma. Loin de l’enfer qui lui avait été promis, le jeune acteur s’est trouvé à son aise aux côtés de son aîné, et il l’a fait savoir avec classe :
On m’avait dit: « Il a une réputation épouvantable, il est très méchant ». En fait ce n’est pas vrai. C’est un homme charmant, qui a demandé à ce que je partage l’affiche en vedette avec lui alors qu’il n’était pas obligé. Quand il fait confiance, c’est comme le reste, il ne le fait pas à moitié.
Lors du décès de Louis de Funès en 1983, d’ailleurs, Coluche, conscient de l’importance de ce rôle dans sa carrière, fit partie de ceux qui lui ont rendu un bel hommage.
Au-delà du film en lui-même, qui reste un succès populaire qui traverse les âges, « L’aile ou la cuisse » a été le théâtre d’une belle histoire humaine entre Louis de Funès et Coluche. Un geste de classe de la part de l’homme aux 300 millions de films, qui a reconnu s’être trompé sur son partenaire, pour finalement l’accompagner et le lancer au cinéma de la plus belle des manières. Chapeau.