Par Elsa Girard-Basset | Journaliste web
Acteur parmi les plus prolifiques et les plus respectés de sa génération, Daniel Auteuil n’a aujourd’hui plus rien à prouver. Il se souvient pourtant d’un tournant majeur dans sa carrière, qu’il doit à une bouteille d’alcool. Une inspiration certes délicate pour sa santé, voire carrément dangereuse, mais qui a finalement porté ses fruits…
Aujourd’hui un peu plus en retrait des plateaux de cinéma, Daniel Auteuil se consacre principalement à sa passion de la chanson, et à sa vie de rêve dans le sud aux côtés de sa famille. Il faut dire que le septuagénaire s’est constitué un sacré CV au fil des années, avec notamment un tournant dans sa carrière : « Manon des Sources ».
Jusqu’à ce film sorti en 1986, où il partage l’affiche avec Emmanuelle Béart, Auteuil était plutôt connu comme un spécialiste de la comédie, notamment à travers des films comme « Les Sous-Doués ». Mais sentant l’énorme coup que peut représenter ce long-métrage pour sa carrière, le natif d’Alger a tout donné pour obtenir le rôle et l’incarner. Jusqu’à l’excès.
En 2019, Auteuil avait ainsi évoqué la genèse de ce rôle fondateur pour lui dans un entretien avec Première :
C’est une fois que Coluche a décliné le rôle que tout s’enclenche. Car la famille Pagnol souhaite que celui qui joue Ugolin soit originaire du Midi. Là, Richard Pezet glisse mon nom, et Claude Berri (le réalisateur, ndlr), qui n’a aucun préjugé, cherche à me rencontrer.
L’inspiration alcoolisée de Daniel Auteuil qui a tout changé
Prêt à tout pour obtenir le rôle, l’acteur a consenti à transformer son apparence, et surtout à tenter le tout pour le tout dans une scène où il lui fallait pleurer. Son remède miracle, improvisé ? L’alcool. Il se souvient :
Je vais voir Berri, et là, d’emblée, il me dit que ça ne va pas marcher… parce que je suis trop beau ! Je rentre chez moi dépité mais je rappelle Claude pour le revoir. Je me rase la tête et j’y retourne. Et je crois que Claude a vu là mon envie de ce rôle. J’ai alors 34 ans et je sais que c’est la chance de ma vie. Je passe donc ces essais.
C’est une scène où je dois pleurer et je n’ai jamais fait ça au cinéma. Je ne m’en sentais pas le droit car j’étais un comique. Je vois que je n’y arrive pas donc je trouve un prétexte pour aller dans la cuisine. Je trouve une bouteille de Cognac, et j’en bois une grande rasade qui me désinhibe complètement. Je reviens et je lâche tout. Je vois qu’ils sont sur le cul.
Je rentre chez moi. Claude me téléphone pour lui dire que ça lui a beaucoup plu mais que Richard Anconina passe aussi les essais et qu’au final, ce n’est pas lui qui choisit mais Montand. Puis, quelques heures plus tard, il m’annonce que c’est bon.
La suite appartient à l’histoire, et le rôle a effectivement donné à Daniel Auteuil ses lettres de noblesse dans le 7ème art. Un coup de maître qu’il doit à cette fameuse bouteille de Cognac postichée dans la cuisine, et qui lui a permis de montrer l’étendue de sa palette. Comme quoi, un destin se joue parfois à peu de choses…