Les années passent, et tandis que Rudy Gobert continue d’empiler les distinctions individuelles et de s’affirmer comme un des meilleurs pivots de la ligue, la NBA dans son ensemble (joueurs, fans, observateurs) peine à lui témoigner le respect qui lui est dû. Pourquoi ? On se penche sur le sujet, pour trouver les racines et potentielles explications du désamour entre le pivot du Jazz et le pays de l’Oncle Sam.
Nuit du 4 au 5 mars, autour de 2h30 du matin en France. Sur les 23 joueurs à sélectionner pour la Draft du All-Star Game, il n’en reste plus que 3 : Domantas Sabonis, Rudy Gobert, et Donovan Mitchell. Les deux grands artisans de l’excellente saison du Jazz, meilleur bilan de la ligue, ont inexplicablement été snobés par les capitaines. LeBron James prend la parole et annonce : « J’ai besoin de taille… je vais donc prendre Domantas Sabonis ». Stupeur.
Quelques minutes plus tard, une fois Gobert affecté à l’équipe du King par défaut car dernier sur le tableau, LeBron, Kevin Durant, Charles Barkley et tous les autres en rigoleront de bon coeur. Rien de très drôle, pourtant, à voir le double défenseur de l’année et pivot de la meilleure équipe en NBA être moqué et déconsidéré de la sorte, n’est-ce pas ? Mais avec lui, c’est différent. Ca passe. La mesquinerie est tolérée. Tout juste si, finalement, certains ne trouvent pas qu’il le mérite bien.
Commençons par évoquer un point crucial : dans l’Utah et dans la communauté de Salt Lake City et des environs, Rudy Gobert est adoré. Toujours disponible pour une photo, pour un autographe, pour envoyer un maillot à quelqu’un en détresse : le Français donne de sa personne sur les parquets comme en dehors. De ce point de vue-là, c’est simple : il est irréprochable. Alors pourquoi si peu de considération aux Etats-Unis ? On a essayé de lister les facteurs qui pourraient expliquer la situation.
1. Il n’est pas Américain
C’est bête, probablement injuste, mais ça joue pourtant tellement. Plusieurs joueurs non-Américains dans l’histoire peuvent se plaindre d’un traitement qui, sans être défavorable, est plus « léger » que s’ils étaient nés sur le sol américain. Dirk Nowitzki, par exemple, a dû gagner un titre contre vents et marées pour enfin obtenir le respect qui lui était dû. Tony Parker n’a lui pas toujours été traité comme le meilleur meneur de la ligue quand, pourtant, il l’était. Les exemples sont nombreux, et Rudy Gobert en est un des plus frappants. Aurait-il été sélectionné en dernière place de la Draft s’il avait été Américain ? Y aurait-il eu les débats sur la validité de sa grosse extension ? Chacun se fera son opinion, mais le patriotisme à l’américaine dans la perception des joueurs est une réalité en NBA.
2. L’épisode COVID
Inutile de revenir dessus en longueur, tout le monde se souvient de Gobert, « patient zéro » de la NBA et blâmé par beaucoup pour l’interruption de la saison. Le Frenchie a plusieurs fois avoué son tort, a admis que la séquence l’avait beaucoup fait changer, et il s’est beaucoup impliqué depuis pour lutter contre la pandémie. En vain ou presque : aux yeux du grand public et de certains joueurs, il reste celui qui a fait une blague de mauvais goût alors que la saison était menacée. Et ça en met un coup à l’image.
3. Il est vu comme un pleurnicheur
Aux Etats-Unis, le Français de base est perçu comme lâche, peureux mais arrogant. Un bien vilain tableau, pas nécessairement exact, que Gobert paye donc déjà de facto, sans pouvoir rien y faire. Mais de fait, chacune de ses critiques envers l’arbitrage ou de ses plaintes quant à l’absence de reconnaissance nourrissent ce ressenti des Américains envers lui. Personne n’a oublié, par exemple, les critiques de Draymond Green après les larmes du Français suite à sa non-sélection au All-Star Game 2019. Les plaintes du big man sont mal vues, ses (rares) exubérances aussi. Doit-il juste être neutre ? Bref, un vrai casse-tête.
4. Il n’a pas (encore) assez dominé face aux stars
Si certains joueurs ont la voie royale et gagnent directement le respect de leurs pairs sans avoir à dominer des matchsups ou gagner des séries dep layoffs, les non-Américains doivent davantage lutter. Très critiqué avant son arrivée en NBA, Luka Doncic l’a fait en sortant soir après soir des statistiques de MVP – il fallait bien ça. Pour Gobert, le salut pourrait se faire à la manière de Dirk Nowitzki : éliminer des stars en playoffs et gagner un titre, ça change forcément la donne. En attendant, s’offrir plus de matchs-référence face à Joel Embiid et Nikola Jokic ne ferait pas non plus de mal au natif de Saint-Quentin.
Cette liste est évidemment non-exhaustive, et on invite ceux qui ont d’autres explications au désamour subi par Rudy Gobert à nous les partager sur les réseaux sociaux. On espère en tout cas que le Français ne baisse pas la tête et se sert des moqueries et manques de respect dans un seul but : progresser, encore et toujours, pour toucher un jour du doigt le trophée Larry O’Brien.
Chez ses pairs, chez les observateurs et chez les fans américains, Rudy Gobert ne jouit pas d’une cote de popularité proportionnelle à son CV. C’est évidemment regrettable, mais le Français ne doit pas oublier qu’il n’est pas nécessaire d’être aimé pour gagner. Souhaitons-lui de rester focus, et d’un jour faire taire les détracteurs à grands coups de victoires.