La NBA est en train de vivre l’une des périodes la plus folle de son histoire. Si la reprise dans la bulle était déjà exceptionnelle et marquante, la possibilité d’une fin de saison anticipée, en signe de protestation contre les violences policières, l’est encore plus. Mais le boycott qui se dessine n’est pas le premier. En 1964, les joueurs avaient déjà fait pression de la sorte.
Kyrie Irving en parlait il y a plusieurs mois déjà : il craignait que la reprise de la saison affecte négativement le grand mouvement de protestation lancé aux États-Unis après la mort de George Floyd. Aujourd’hui, force est de constater qu’il n’était pas si loin de la vérité.
Les nombreux messages lancés par les joueurs depuis la bulle finissent par se perdre, ou simplement tomber dans l’oreille de fans déjà convaincus. Surtout, le jeu se retrouve au coeur de tous les débats, qu’ils le veuillent ou non. La preuve, au lendemain de l’affaire Jacob Blake, tout le monde ne parlait que de la polémique Marcus Morris / Luka Doncic…
C’est la raison pour laquelle les joueurs NBA ont décidé de passer à la vitesse supérieure dans leurs protestations, en refusant de jouer, et potentiellement de finir les Playoffs 2020. Un boycott parfaitement résumé par JR Smith, qui pour une fois, a endossé le rôle de voix de la raison : « vous ne voulez pas nous entendre ? Vous ne nous verrez plus non plus. »
Mais contrairement à ce que l’on pourrait penser, ce n’est pas la première fois que les joueurs NBA s’unissent dans un boycott, pour faire entendre leurs revendications. La dernière fois, c’était en 1964, et les manifestants s’étaient finalement faits entendre, après 10 ans de demandes pacifiques.
À l’époque, la ligue était bien moins organisée qu’aujourd’hui, et c’est là que sommeillait le problème. Les joueurs, conscients de leur valeur, voulaient obtenir le droit de s’organiser en une union syndicale. Une demande longtemps refusée, car les implications financières étaient fortes pour les propriétaires, et pour la ligue.
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Car cette union n’était pas créée sans raison. Le but derrière la manoeuvre était de dégager une pension de retraite pour tous les anciens joueurs NBA. Alors pour enfin se faire entendre, après 10 ans de mépris de la part des instances de la ligue, les meilleurs joueurs ont pris la décision de boycotter le All-Star Game 1964. Lenny Wilkens et Tom Heinsohn se souviennent.
Ce jour-là, nous sommes allés dans le vestiaire sans rien dire à personne, et nous avons expliqué ce que nous allions faire à tous les joueurs. Nous leur avons demandé de rester dans le vestiaire tant que nous n’aurions pas eu gain de cause sur la pension de retraite. Il y avait un policier devant la porte, et nous lui avons ordonné de ne laisser entrer personne.
Le propriétaire des Lakers a voulu voir Jerry West et Elgin Baylor, en leur criant depuis le couloir que s’ils ne sortaient pas, ils n’étaient plus des Lakers. Elgin s’est levé, et a crié : « Il peut aller se faire enc*ler ! ». C’était le premier match télévisé dans tout le pays depuis près d’un an, la NBA ne pouvait se permettre un tel scandale. Dos au mur, en pensant à la perte folle si le All-Star n’avait pas lieu, le commissionnaire Kennedy nous a promis une pension, 5 minutes avant le match.
Comme quoi, avec un peu de bonne volonté, on peut faire des miracles. S’il ne s’agit plus aujourd’hui de se battre contre la ligue, mais contre les violences policières, la méthode pourrait se montrer aussi efficace qu’à l’époque. Seul l’avenir nous le dira.
Les joueurs ne feront peut-être pas changer les législations, ou n’arrêterons pas le racisme systémique en boycottant la fin de saison. Mais ils peuvent faire passer des idées, et un message fort, que la prochaine génération devra entretenir.