La saison régulière est maintenant terminée en NCAA, et la tant attendue March Madness est lancée. Alex Biggerstaff, passionné de basket universitaire depuis son plus jeune âge et consultant pour RMC SPORT, est revenu avec nous sur cette saison maintenant achevée et sur cette fin de mois de mars complètement folle à venir.
Parlons Basket : Salut Alex, comment ça va depuis le temps ?
Alex Biggerstaff : Ça va très bien Guillaume, merci !
PB : On va commencer avec de l’actualité pure. On vient tout juste d’avoir le tableau final du tournoi NCAA révélé. Comment sens-tu cette March Madness globalement ?
AB : C’est un tableau qui parait très ouvert, avec beaucoup d’équipes favorites, une dizaine. Et quand on voit ce qu’il s’est passé en saison régulière, on a du mal à en voir une sortir du lot. C’est vraiment très ouvert, beaucoup peuvent aller au bout et c’est ce qui rend vraiment le tableau intéressant cette saison.
PB : Au delà de Duke, je trouve qu’il y a de très belles équipes cette saison. Tu as dû faire ton bracket, quelle est pour toi l’équipe la plus susceptible de gagner le tournoi ?
AB : Est-ce que c’est drôle si je te dis que je me suis pas encore décidé ? (rires) Encore une fois c’est tellement aléatoire, notamment cette saison avec toutes ces équipes qui peuvent aller au bout, que je n’ai même pas encore vraiment réfléchi à ça. Je peux te donner une réponse sur le côté feeling par rapport à ce qu’il s’est passé cette saison, et là dessus, c’est vrai que je pense à North Carolina.
PB : Nous on a un petit faible pour Gonzaga.
AB : Alors Gonzaga je les vois aller loin, mais… encore une fois c’est une question de feeling mais il y a un truc qui me laisse penser qu’ils feront un faux pas. C’était très inhabituel leur défaite en finale de conférence il y a quelques jours. C’est un faux pas qu’ils ne font pas en général et c’est ce genre de choses qui me laisse perplexe. Je reste néanmoins leur premier supporter en ce qui concerne Killian Tillie et Joël Ayayi.
Après, la belle histoire, ce serait que Zion amène Duke au bout pour ce qu’il a fait cette saison. Il a transformé l’équipe, ce n’est pas du tout la même quand il est là et quand il ne l’est pas. Je trouve personnellement qu’ils ont hérité d’un tableau plutôt facile pour accéder au Final Four, donc ça me laisse penser ça. Et peut-être que la NCAA a envie de ça aussi quand on voit ce qu’il peut ramener en terme d’audience et de télévision ! (rires) Sans parler de théorie du complot, c’est vrai que Duke parait avoir un parcours pas trop embouteillé.
PB : Et parmi les équipes moins bien classées, les underdogs, as-tu un coup de cœur cette année ?
J’ai plusieurs coup de cœur. La fac de Wofford notamment, qui évolue dans une conférence que peu de gens connaissent en France mais qui est mine de rien tête de série numéro 7 grâce à leur grosse saison. Ils ont archi-dominé leur conférence et vont pouvoir s’appuyer sur leur énorme défense. Et pour le basket universitaire, si vous savez défendre, vous n’avez même pas besoin de savoir attaquer, vous avez déjà une chance sur deux de d’y arriver et vous pouvez mettre n’importe qui en danger.
Après il y a d’autres facs comme Belmont. Northeastern aussi qui joue Kansas et attention, je vois bien une surprise d’entrée vu le niveau de Kansas en ce moment. Toute façon ça ne devrait pas échapper à la règle, comme les années précédentes il devrait y avoir des surprises au premier tour.
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PB : Alors Zion, venons-y. La hype est immense, sûrement la plus grande depuis LeBron. Pour l’instant, c’est un sans faute pour lui en NCAA, même face à la pression. Selon toi, est-ce potentiellement le futur visage de la NBA ? La hype est-elle justifiée au point qu’il puisse devenir LA star en NBA ?
AB : Alors pour ce qui est de devenir une star en NBA, je ne veux pas trop m’avancer mais je ne pense pas prendre trop de risque en disant que ça va être quelqu’un là-bas. Mais moi je veux juste reprendre par époque.
Zion c’était un gars qui pesait encore moins de 100 kilos il y a 5 ans. Personne n’en parlait, c’était un gamin qui jouait sur les playgrounds et sur des matchs régionaux, avec notamment un certain Ja Morant, autre sensation de la prochaine draft. Le tout en Caroline du Sud, qui n’est pas une terre de basket immense – là bas c’est plutôt le football américain. Donc étape par étape, le garçon s’est fait un nom grâce à Youtube. Ensuite lors d’un été il a poussé, il a pris au moins 10 centimètres et une trentaine de kilos, donc forcément c’est difficile de passer à coté. Ce gamin a une proportion physique et un combo extraordinaire qu’on a peut-être jamais vu jusque là. Pour moi c’est limite plus impressionnant physiquement qu’un Larry Johnson. C’est un garçon qui ressemble au modèle parfait du basketteur moderne en fait. Physiquement il est juste surpuissant, ce qu’il dégage sur le parquet est incroyable, il a la technique contrairement à ce que l’on peut entendre, c’est un très bon joueur de ballon. Il est passé d’un joueur Youtube qui dominait tout le monde au lycée grâce à ses trois têtes de plus à un gars qui mène son équipe.
Une autre partie de lui a été oubliée ces dernières années. Sa capacité de leadership, sa détermination, son mode de vie… tout ce qui en fait un être humain au delà du joueur. L’étape de la NCAA a été super importante, on ne parlait plus d’internet mais on le voyait à la télévision nationale etc… Comme tu l’as dit, il a fait un sans faute cette saison. Sa blessure récente a même confirmé pas mal de questions que je me posais sur le bonhomme. Et puis c’est un garçon de groupe. Ce sera toujours le premier à aller relever un coéquipier, à se jeter au sol pour un coéquipier… Et tous ceux qui lui ont dit de se concentrer sur la NBA et de mettre une croix sur la fin de saison, j’ai trouvé ça dégueulasse, de même pas lui demander son avis, celui de réaliser son rêve depuis tout petit de disputer la March Madness. Il y a d’autre rêves avant la NBA et on sait qu’aux Etats Unis la carrière universitaire est très importante. Il a fait une saison extraordinaire, battu un nombre incalculable de records, il n’a pas fait de faute sur le plan médiatique et c’est dingue quand on compare le plan médiatique autour de lui à celui de LeBron, c’est dingue qu’il fasse un sans faute. J’espère vraiment pour lui qu’il s’épanouisse sur ce dernier mois de compétition avant la NBA.
PB : Derrière Zion dans la plupart des mock drafts, j’aimerais qu’on parle de Ja Morant, qui a fait une fin de saison juste énorme, dans une conférence certes pas exceptionnelle. On voit beaucoup de comparaisons fleurir, avec Westbrook notamment. Sans aller jusque là, est-ce que c’est un joueur que tu vois être une star en NBA ?
AB : Pour avoir parlé avec plusieurs scouts NBA à son propos, c’est une progression fulgurante qu’il a connu cette saison. Et oui, la comparaison avec Westbrook est pas trop mal – il est vrai que son plus gros soucis en début de saison c’était son shoot. Ses points forts, c’était son physique, son énergie et sa capacité à n’avoir peur de rien. Avec les qualités athlétiques qu’il a il est capable de postériser quelqu’un chaque soir. Il a un côté leader vocal pour ses coéquipiers. Oui je pense qu’il est taillé pour faire quelque chose en NBA. Quand on regarde tout ça je pense qu’il n’y a pas trop photo là dessus. Actuellement il est indiqué 2 ou 3 à la draft. Personnellement je le vois quand même derrière Barrett, même si ce ne serait pas du vol s’l terminait devant, loin de là. Puis j’ai bien aimé son coté promesse avec son équipe qui se fait éliminer rapidement l’année dernière et il promet directement qu’ils reviendront, il met carton sur carton… Il a un avenir en NBA sans soucis. Que ce soit Zion ou Ja, je peux même prendre le pari qu’ils seront tous les deux All-Star dans quelques années.
PB : A part Morant et Zion qu’on a évoqués, et même si le jeu des prédictions est toujours compliqué, qui selon toi a le potentiel pour devenir une star NBA ?
AB : Je pense à un garçon comme De’Andre Hunter à Virginia. Malheureusement il s’était cassé la main juste au début de la March Madness donc ça avait un peu brisé ses chances d’être drafté. Virginia a encore fait une excellente saison, c’est un garçon étoffé et qui est capable de tout faire sur un terrain. Gros défenseur, il joue juste, il joue simple… C’est pas vraiment le même style mais dans la philosophie et l’approche du jeu, il me rappelle un peu Kawhi Leonard. Il risque d’être pris entre le top 10 et 15 de la prochaine draft et je suis que à l’avenir il comptera parmi les meilleurs défenseurs de la NBA. Il n’aura jamais de vrai impact médiatique mais il comptera dans l’avenir de la ligue.
PB : En tant que spécialiste, comment décrirais-tu l’ambiance, les spécificités du basket universitaire américain à ceux qui ne connaissent pas ?
Il faut tout simplement commencer par là où ça compte : la plupart des salles font entre 15.000 et 25.000 places, remplies qui plus est. Avec des sections étudiantes qui sont dignes de kops européene, même si eux ils n’allument pas de fumigènes et de bombes agricoles à tout va (rires). Ça reste toujours mieux que l’ambiance que nous avons en Jeep Elite ou autre. Rien que ça déjà, sur le coté qualité du produit et habillage, la NCAA est au top.
Ensuite j’en parlais l’autre jour, mais c’est au mérite. Les gens disent souvent : « On comprend rien, il y a plein de conférences » etc. Oui mais voilà, on récompense au mérite. Il peut y avoir des champions de saisons régulières mais qui ne peuvent pas prétendre au titre national de la March Madness, il seront heureux de leur titre. Ensuite il y a les tournois de conférences qui sont là pour valider la participation définitive à la March Madness, et derrière la cerise sur le gâteau avec ce mois de mars complètement fou. Alors certes ça fait beaucoup de choses à retenir, mais au moins il y a du spectacle et la NCAA sait le vendre. Alors dieu sait que je ne me fais pas l’avocat de la NCAA là dessus et que j’ai énormément de choses à leur reprocher, mais si il y a bien un truc qu’ils savent faire, c’est ce show extraordinaire. Après ça reste compliqué, et tu passes souvent pour un fou en France quand tu dis que t’es passionné par tout ça…
PB : Justement, RMC Sport fait vivre la NCAA en France, et la demande est là – on l’a vu sur nos réseaux sociaux en relayant le programme des tournois de conférence. C’est une fierté ?
Pour être honnête, avant RMC Sport je bossais pour Ma Chaine Sport, qui était une bien plus petite chaîne, et c’est en 2013 qu’on a lancé la diffusion en continu du championnat universitaire. Et depuis 2013, puisque MCS a été rachetée par SFR/RMC, on peut dire qu’on est un peu sur la même chaîne depuis le début. 6 ans que la NCAA est sur la même chaîne donc. A l’époque, on avait la capacité à retransmettre en direct pendant la saison régulière, pendant la March Madness et carrément d’être sur place pour le Final Four, donc j’ai vécu mes plus belles années par rapport à ça à l’époque. On traitait ça comme la Pro A, et c’était top. Maintenant c’est plus compliqué pour un tas de raisons. Donc voilà, quand je voyais comment ça se passait et le nombre de personnes qui nous suivaient la nuit de 21h à 3h du matin sur une si petite chaîne, j’ai tout de suite compris que si le produit était traité de manière optimale, il y avait quelque chose à faire. Le seul problème, c’est qu’on est un peu seul dans le désert par rapport à la promotion de ce sport-là, et j’ai pas la sensation que les gens viennent maintenant. J’ai plus la sensation qu’on avait les gens à l’époque, qu’on les a perdus, et qu’on les récupère plus ou moins une fois par an en mars. Après, je sais que ça pourrait prendre si c’était traité de façon optimale sur toute la saison. C’est sur.
PB : Y a-t-il un objectif à RMC Sport de développer la « brand » NCAA et d’en faire un programme encore plus fort sur les années à venir ?
AB : J’en ai aucune idée et je ne pense pas que ce soit en réflexion. La seule chose qui est sûre, c’est que RMC Sport à fidélisé ça et a continué à diffuser le produit année après année malgré le changement de chaîne en 2016. Donc c’est quelque chose qui compte pour eux, même si ce n’est pas diffusé comme avant. Maintenant, pour l’avenir, je ne sais pas du tout comment il veulent le traiter et je n’ai aucun pouvoir décisionnaire là dessus.
PB : Petite question te concernant toi personnellement. Qu’est ce qui fait qu’aujourd’hui tu sois aussi passionné et que tu sois même devenu spécialiste NCAA ?
AB : Alors spécialiste ça c’est juste une étiquette. Je commente les matchs et je me permets de tweeter de temps en temps dessus. Je ne suis pas consultant NCAA. C’est surtout le mot passionné qui revient avant tout. Je suis capable de suivre ça sans jamais en avoir une overdose année après année, donc au bout d’un moment on se rend compte qu’on est passionné.
Après, c’est aussi dû à ma double culture franco-américaine. Je suis né aux États-Unis, j’ai grandi un petit peu là bas, j’ai grandi aussi en France. J’ai travaillé un peu là-bas, j’ai aussi travaillé en France. Voilà, c’est la chance d’être né aux États-Unis, de pouvoir vivre ça depuis les US et j’en suis tombé amoureux dés le plus jeune age. C’est devenu une passion et aujourd’hui j’ai la grande chance de pouvoir en faire mon métier. Il n’y a pas d’histoire folle autour de ça (rires), c’est juste une passion qui a germée et qui me rend heureux aujourd’hui.
PB : Pour finir, quel est le top 3 des joueurs que tu conseillerais à nos lecteurs de suivre de très près durant la March Madness ? Ça peut être pour raison purement basket, affect… Ce que tu veux !
AB : (Rires) Alors, autre que Zion, Morant ou Barrett, il y a de bons joueurs à suivre. Instinctivement, là, je pense à Admiral Schofield de Tennessee qui est dans sa troisième année. Un joueur vraiment beau à voir et qui dégage quelques chose quand il joue.
Après à Villanova il y a Eric Paschall qui était un joueur assez défensif l’année dernière quand ils terminent champion, et qui aujourd’hui est le leader offensif de cette équipe. C’est dire comme votre profil peut changer d’une année à l’autre dans le basket universitaire. J’espère qu’il fera un gros tournoi.
A Michigan il y a Iggy Brazdekis, un petit Lituanien avec un tempérament de feu, qui se battait avec son père quand il était gamin pour le rendre plus fort (rires). Un profil qui colle très bien avec l’état d’esprit de Michigan, et il pourrait les emmener loin. On a aussi PJ Washington à Kentucky, et De’Andre Hunter qui devrait aussi faire un gros tournoi.
Et puis on a également 6 Français engagé dans ce tournoi. Killian Tillie et Joël Ayayi à Gonzaga et Yves Pons à Tennessee ont une équipe qui peut aller chercher le titre. Il y a aussi Ludovic Dufeal à Gardner-Webb qui va disputer sa première March Madness, et Paul Djoko à Northern Kentucky qui va découvrir lui aussi sa première March Madness et qui affrontera le dernier Français, Josh Mballa de Texas Tech.
Un grand merci à Alex Biggerstaff pour sa disponibilité.
(Entretien réalisé le lundi 18 mars 2019 par téléphone)
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