Présent ce vendredi lors du large succès des Bleus (83-66) face au Monténégro, Mam Jaiteh a rendu une copie intéressante avec 5 points inscrits à 2 sur 2 au tir et quatre passes décisives distribuées. Il y a quelques temps, nous avons eu l’honneur de nous entretenir par téléphone avec le pivot international du CSP Limoges. De nature humble et posée, il est revenu avec nous sur sa saison pleine de rebondissements avec Limoges, son passé déjà bien garni à seulement 23 ans, et sur la NBA – avec des anecdotes exclusives qu’il a tenu à nous partager.
Parlons Basket : Bonjour Mam, tout d’abord merci de répondre à nos questions. Tu as récemment prolongé avec le CSP Limoges, qu’est-ce qui t’a poussé à continuer l’aventure ?
Mam Jaiteh : Pour moi c’est important de trouver une stabilité. J’ai changé de club deux fois de suite après seulement une année (NDLR : Strasbourg en 2016-17 puis Limoges en 2017-18) et à partir du moment où je me sens bien dans un club, où j’ai des repères, ça me donne envie de rester. Cette première année au CSP m’a permis de prendre la température, j’ai eu ce feeling que ça pouvait encore mieux se passer, donc je reste pour faire une grosse saison.
Vous êtes qualifiés pour l’EuroCup dont le tirage au sort a été effectué. Limoges tombe dans la poule du Lokomotiv Kuban, finaliste de la dernière édition, de l’Alba Berlin ou encore du Tofas Bursa. Quel est ton ressenti par rapport au tirage ?
Dès le premier tour il y a un gros niveau. On sait qu’on a la place pour passer au Top 16. Pour ça il faudra faire de gros matchs dès le début, sans prendre aucune équipe à la légère. Ces équipes ont l’expérience des compétitions européennes et ont presque toutes un plus gros budget que nous donc il faudra qu’on puisse rivaliser. Après rien n’est fait à l’avance dans le sport.
La saison 2017-18 a été intense en émotions à Limoges. Après la triste disparition de l’emblématique Frédéric Forte, vous avez atteint les demi-finales de Jeep Elite avant de chuter face à Monaco. Que retiens-tu de cette saison ?
J’en retiens du positif. C’est vrai qu’on a connu des moments délicats avec le décès de notre président, un véritable électro-choc. Avant ça, on était très bien engagés mais ça nous a donnés un coup de mou. Je retiens qu’on a réussi à se relever, je ne pense pas que toutes les équipes peuvent traverser de telles épreuves et se remettre sur de bons rails. Il faut avoir un bon groupe avec une cohésion d’équipe.
J’imagine que cela vous a fait apprendre à tous…
En effet, ça nous a tous appris. Tu te rends vraiment compte qu’il y a des choses plus importantes que le basket. Ça fait réfléchir surtout quand cela arrive près de toi.
Pour revenir au championnat, vous vous êtes donc inclinés contre Monaco en demies. D’après toi, qu’a-t-il manqué au CSP pour aller plus loin en Jeep Elite ?
On a un certain talent mais il nous a manqué du répondant physique. A chaque fois qu’on tombait sur des adversaires au style de jeu physique, on avait du mal à répondre, ou on le faisait une fois sur quatre. Monaco jouait vraiment très dur et c’est comme ça qu’il nous ont battus. On n’a pas réussi à mettre en place ce qu’on voulait faire face à eux.
Lors de ta saison avec Strasbourg, tu as joué avec Frank Ntilikina, qu’envisages-tu pour la suite de sa carrière en NBA ?
[Frank] est quelqu’un qui a une envie illimitée de bosser et d’apprendre. A mon avis, après une première année là-bas, il va se libérer encore plus. D’ailleurs, je sais qu’il se prépare pour ça actuellement donc c’est vraiment l’année où il va montrer davantage ce qu’il est capable de faire. Donc on en a vu un peu l’an dernier, mais je sais qu’il est capable de faire beaucoup plus. Il a juste besoin de prendre la température avant.
Revenons maintenant sur l’épisode de la Draft en 2015, où tu n’as pas été sélectionné. Comment s’est déroulée cette période pour toi ?
J’avais fait énormément de workouts et pas mal d’équipes voulaient me prendre sous contrat puis me laisser jouer en Europe. Pour ma part, je ne voulais pas rester en France. Je leur expliquais que même si je ne jouais pas beaucoup en NBA la première saison, je serais aux côtés des meilleurs, à m’entraîner avec eux et cela me ferait progresser plus vite qu’en restant en France. A ce moment-là, je pensais qu’au moins une équipe sur trente voudrait tenter le pari. Puis arrive le soir de la Draft, je passe les soixante tours assis sans qu’on m’appelle. C’a été le premier vrai échec dans ma vie, très douloureux. Aucune franchise n’a voulu me prendre pour que j’intègre directement l’effectif NBA.
Plus récemment, tu as fait plusieurs tests avec des équipes NBA. Tu as d’ailleurs participé à la Summer League 2017 avec Philadelphie. Peux-tu nous raconter cette expérience ?
C’est une super expérience parce que tu joues déjà dans une grosse salle où il y a du monde. Il y a certains joueurs NBA ainsi que des entraîneurs de l’équipe NBA également. Pour moi, c’était plus histoire de le faire une fois dans ma vie plutôt que quelque chose de très concret. J’ai pris beaucoup de plaisir à le faire, mais je ne sais pas si je le referai.
Tu as aussi fait des tests à Houston l’été dernier, que s’est-il passé là-bas ?
Oui, l’été dernier je suis parti à Houston. Ils m’avaient proposé un deal pour m’entraîner trois jours avec potentiellement un contrat au bout de ces trois jours-là. La venue de Chris Paul a changé les projets de Houston, qui est passée d’une franchise misant sur du développement de jeunes joueurs à une franchise prête à jouer le titre. Cela a compliqué les choses pour moi.
Lors de ta candidature à la Draft 2015, tu as effectué des workouts dans de nombreuses franchises. Y’a-t-il des joueurs qui t’ont vraiment impressionné lors de ton passage là-bas ?
Je dirais de manière générale que la détermination de tous les joueurs présents lors de ces workouts était impressionnante. Les mecs donnent toute leur vie à chaque entraînement. Clairement, lors des deux premières séances que j’ai faites, j’étais dépassé car je ne m’étais pas rendu compte. J’ai pris la température ensuite. C’était assez impressionnant de voir que les joueurs font une préparation physique pour les workouts, car c’est la chance de prouver qu’ils sont au niveau.
As-tu des anecdotes à nous partager sur cette détermination des joueurs NBA ?
Pour l’un de mes premiers workouts, je me rends à Oklahoma City. J’arrive vers 6 heures du matin au centre pour déjeuner, et j’entends des bruits de ballon dans la salle d’entraînement. Par curiosité je vais voir et j’aperçois Russell Westbrook qui fait des allers-retours en sprintant, shootant et dunkant. J’étais clairement impressionné car j’ai réalisé que les joueurs au plus haut niveau s’en donnent vraiment les moyens.
Au CSP Limoges, tu évolues aux côtés de Dru Joyce qui est un proche de LeBron James. Que t’a-t-il dit à son sujet ?
Il nous en parle un petit peu. Il nous expliquait la culture de travail qu’il a en nous disant que LeBron préparait ses journées en casant tous les exercices nécessaires pour être performant dans le basket, et qu’il calait seulement après ses activités extra-basket en fonction du temps libre qu’il lui restait. Sa vie est planifiée en fonction du basket, et le reste peut être décalé si besoin est.
Envisages-tu de jouer à l’étranger pour la suite de ta carrière ?
Oui, c’est mon but. Je veux aller au plus haut possible que ce soit en Europe ou en NBA. A partir de ce moment-là, je m’en donne les moyens. Cet été je vais passer mon temps à travailler pour être prêt à franchir un nouveau cap. Je pense que je n’en suis pas très loin donc à moi de m’impliquer comme il faut pour ça.
Qu’est-ce qu’on peut te souhaiter pour le futur ?
Tout simplement de grosses performances, de gros résultats avec le CSP. Et rien de plus (rires).
Propos recueillis par téléphone le 7 juillet.