A l’occasion de la journée internationale des droits de la femme, célébrée chaque année le 8 mars, on vous propose de revenir sur la superbe lettre ouverte de Stephen Curry en 2018 sur l’égalité entre les hommes et les femmes.
« Il y a ce miracle qui s’est passé à la maison. Avant que ça se termine, j’ai eu le sentiment que je devais mettre tout ça sur papier, juste pour être sur d’avoir un document le prouvant.
Riley, notre fille de 6 ans veut être comme ses parents. Je sais, je sais, ça ne sera pas comme ça pour toujours. Et je sais que cette phase rebelle arrive. Bref, on a demandé à Riley : « Hey Ri Ri, qu’est-ce que tu voudras faire quand tu seras plus grande ? »
Elle a répondu : « Une joueuse de basket cuisinière ».
Comme je l’ai dit, cette fille sent vraiment bien ses parents ces derniers jours.
Maintenant, je ne vais pas mentir : la dernière fois qu’on a demandé, elle hésitait entre « maquilleuse » et « cavalière », donc qui sait vraiment quoi faire avec ça. Je ne vais pas prétendre non plus qu’on a compris la logistique. Est-ce qu’elle va commencer avec un livre de recette, puis ensuite jouer au basket ? Ou est-ce qu’elle va d’abord jouer puis construire son empire de restaurants ?
Dans tous les cas, les qualités sont là. Elle dribble 100 fois à la suite maintenant, sans s’arrêter, et on travaille sur sa main gauche.
Ensuite, pour la partie cuisinière, Riley fait tout : des pâtes, des gateaux, des œufs, du… slime. Elle a installé une caméra et elle fait un laboratoire, elle prétend qu’elle a un genre de show sur Youtube. C’est fou. Je ne recommanderais pas de manger son slime (trop gluant), mais les fondamentaux, ils apparaissent déjà : du haut niveau de créateur de recettes, et un choix très créatif de couleurs.
Dans tous les cas, c’est cool. Et en étant sérieux, avoir une fille qui pense que ses parents sont tellement des modèles qu’elle veut être comme eux… je suis béni.
Mais en même temps, vous savez, Riley arrive à un âge, cet âge où elle va vraiment commencer à être sa propre personne. Ça va aussi être un apprentissage pour moi.
En grandissant, j’ai eu la chance d’être élevé par ma mère, Sonya, qui était une femme incroyable et d’une grande volonté pour avoir le courage et la vision d’ouvrir sa propre école, la Christian Montessori School de Lake Norman. Durant les sept dernières années, j’ai eu la chance d’être marié avec une autre femme incroyable et de grande volonté, Ayesha, qui a à la fois rencontré du succès en tant que propriétaire et qui est la meilleure mère possible pour nos trois enfants. Dans toute ma vie, vraiment, je sens que j’ai reçu cette éducation sur ce que signifie être une femme en Amérique.
Une leçon que j’ai tirée de cette éducation qui m’a vraiment frappé est de toujours écouter les femmes, de toujours croire en elles, et par rapport aux attentes de chacun sur les femmes, de toujours tout mettre en question pour savoir ce qui est juste.
En d’autres mots, j’aimerais croire avoir ces idées à l’esprit depuis un certain moment.
Mais quand même.
Riley et Ryan grandissent trop vite. Avec Ayesha, on commence soudainement à voir des choses à travers les yeux de nos filles, que nous avons amené dans ce monde et qui sont maintenant éduquées pour vivre dans ce monde. Vous savez, je mentirais si je n’admettais pas que le concept de l’égalité des femmes est devenu un peu plus personnel pour moi dernièrement, et un peu plus réel.
Je veux que nos filles grandissent en sachant qu’il n’y a pas de limites qui pourraient être placées pour leur futur, point final. Je veux qu’elles grandissent dans un monde où le sexe ne parait pas être un livre de règles sur ce qu’elles devraient penser, être ou faire. Je veux qu’elles grandissent en rêvant, qu’elles puissent rêver grand, et qu’elles s’efforcent de faire carrière où elles peuvent être traitées équitablement.
Et évidemment, être payées comme les hommes.
Je pense que c’est important que nous fassions tous attention à comment faire en sorte que cela soit possible, le plus rapidement possible. Pas seulement comme des « pères de filles », ou pour ce genre de raisons. Et pas juste lors de la journée pour l’égalité des femmes. Tous les jours. Tous les jours, nous devons travailler pour combler cet écart de salaire dans le pays. Parce que chaque jour, cet écart affecte les femmes. Et chaque jour cet écart envoie le mauvais message aux femmes à propos de qui elles sont, ce qu’elles valent et ce qu’elles ne peuvent pas devenir.
La semaine dernière, j’ai fait quelque chose que je n’oublierai jamais : j’ai organisé un camp de basket pour filles.
Appelons ça la « première édition », parce que c’est définitivement quelque chose que je vais refaire. C’était super cool de juste partager le terrain avec 200 filles qui aiment le basket, et les regarder jouer.
Mais je pense aussi que c’est plus que ça. Je pense que c’est une sorte de chose qui peut aider les gens à changer de perspective. Quand quelqu’un voit un joueur NBA organiser un camp, maintenant, vous savez peut-être qu’il ne le fera pas automatiquement que pour des garçons. Et donc éventuellement, on peut arriver à un point où les matchs des filles ne sont pas juste du « basket féminin ». C’est juste du basket. Joué par des femmes et célébré par tout le monde.
Une chose que j’ai toujours maintenue, c’est que l’on veut que notre camp soit de classe mondiale. Et en 2018 ? La vérité est la suivante : tu n’es pas de classe mondiale si tu tu n’es pas actif pour l’inclusion.
Comme je l’ai dit, ce camp était incroyable. Je n’ai jamais vu un groupe d’enfants aussi engagé. A chaque camp de garçons auquel je suis allé tu voyais toujours des enfants qui courent, agissant de manière sauvage. Mais sur ce camp, avec ces filles, elles essayaient d’absorber chaque petite chose. Elles courraient vers moi après chaque exercice genre : « Steph, Steph, j’ai des questions sur comment tu t’entraînais quand tu étais enfant ? Est-ce que tu peux me regarder ? » C’était spécial, mec.
Les filles n’étaient pas juste présentes sur le terrain mais aussi en dehors. J’ai fait une session de questions/réponses avec plusieurs femmes qui ont eu du succès dans le sport et le business, qui sont historiquement des secteurs dominés par des hommes. Les enfants du camp m’ont étonné avec leurs questions. Juste le niveau de réflexion et l’attention qui les traversait, la maturité et la nuance de tout. Ça m’a frappé.
Une de ces filles a posé une question à Ariel Johnson Lin, la vice présidente de JPMorgan Chase & Co. Si elle est dans un meeting d’affaires et qu’elle a une bonne idée, mais que le meeting est composé, disons, de huit hommes, et qu’elle est la seule femme, est-ce qu’elle réfléchirait deux fois avant de donner son idée ? Est-ce qu’elle changerait ses mots, ou son langage corporel, ou l’intonation de sa voix, basée sur le déséquilibre de genre dans son travail ?
Encore une fois, j’étais juste époustouflé. Je veux dire, on parle d’une fille qui a 14 ans ici, une enfant, qui a cette connaissance et cette sophistication pour élever à ce niveau une simple session de questions/réponses. Et des questions comme celle-ci, c’est des questions que des femmes continuent de ce demander à propos de leur travail, même en 2018. L’inégalité est une chose à laquelle on a fini par s’attendre.
Ariel a répondu à la question d’une superbe manière.
Il y a eu une version longue, mais je vais vous en donner la courte : « Sois toi-même. Sois aimable et essaie d’être forte, mais reste toujours toi même. » Tu pouvais voir toutes ces filles dans le camp hocher la tête à l’unisson, et pour être honnête, c’était un moment très fort pour moi. J’étais satisfait de ce sentiment, de savoir que nous avons mis ces filles dans une position où elles pouvaient être connectées avec certains modèles, partager leurs expériences, leurs idées, et aussi jouer au basket, être elles-mêmes, et se sentir au centre des choses.
Mais, alors que ce moment était satisfaisant, je n’étais même pas proche d’être satisfait. En fait, je me sens plus motivé que jamais, pour aider ces femmes qui travaillent pour le progrès avec tous les moyens que je peux.
Travaillons pour combler ce gouffre. Travaillons pour combler l’inégalité des salaires.
Travaillons tous ensemble pour ça.
Les femmes méritent l’égalité, et ce n’est pas une question de politique, on est d’accord ?
Ce n’est pas quelque chose avec laquelle les gens peuvent être en désaccord. C’est impossible.
Plus tôt cet été, quelques semaines après la fin de la saison, avec Ayesha, on a été bénis d’avoir notre troisième enfant, Canon. Notre premier fils. Une des choses qui m’est le plus venu à l’esprit, depuis ça, c’est l’idée d’élever un garçon dans ce monde.
Je sais déjà, juste en me basant sur le sexe, que Canon va probablement avoir des avantages dans la vie dont ses sœurs ne peuvent que rêver. Comment tu peux, en tant que parent, te sentir honnête avec ça ? Quels sont les valeurs, en ce moment, à inculquer à un fils ?
C’est beaucoup de choses.
Mais finalement, la réponse est plutôt simple.
Je pense que tu dois lui dire les mêmes choses que nous avons dit à ces filles de notre camp. « Sois toi-même. Sois aimable, essaie d’être fort, mais sois toujours toi-même. »
Je pense que tu dois lui apprendre à toujours écouter les femmes, à toujours croire en elles et, quand quelqu’un arrive avec des stéréotypes et préjugés sur les femmes, toujours tout mettre en question pour savoir ce qui est juste.
Je pense que tu dois lui faire savoir ça, pour sa génération, d’être un vrai supporter de l’égalité des femmes. Ce n’est plus assez de simplment l’apprendre.
Vous devez le faire.
On est en 2018, l’école est finie. Il est temps d’aller travailler. »
Stephen Curry, The Player Tribune