Chaque week-end en France, de nombreuses équipes jouent devant plusieurs milliers de personnes. Au-delà de ce simple match, un travail d’ombre est effectué par de nombreux bénévoles et salariés au sein d’un club, au même titre que par l’équipe technique et les joueurs. Pour en savoir plus sur tous ces aspects traités en interne, Parlons Basket a rencontré Julien Monclar, manager général au sein de l’ADA Blois Basket, club de Pro B champion de France cette année. Entre quotidien, recrutement, salaires et développement du basket en France, voici notre interview.
Bonjour Julien, est-ce que dans un premier temps vous pourriez présenter votre rôle au sein du club à nos lecteurs ?
La dénomination peut varier moi j’aime bien dire manager général. Aujourd’hui on est en association sportive qui est dirigée par un conseil d’administration ou un bureau directeur d’élus, bénévoles, qu’on appelle les dirigeants, et moi je suis le directeur salarié qui est chargé d’organiser la structure.
Ma mission est transversale, elle va du développement marketing, commercial, communication, stratégie, billetterie, gestion des aspects contractuels/managements, salariés, éducateurs, plus la partie sportive à savoir entraineur/joueur/staff, et la partie financière. Evidemment je ne fais pas ça tout seul il y a des gens pour collaborer.
Comment est organisé le club de manière générale ?
C’est un peu particulier cette année. Le sport en France est organisé de telle manière que les seules structures qui peuvent avoir un numéro d’affiliation se sont des associations sportives. Sans rentrer dans les détails, il y a des paliers qui font qu’au bout d’un moment on ne peut plus se contenter de l’association sportive, et on doit créer une société sportive. Nous on en est à ce stade là puisqu’à partir du premier juillet prochain on aura une société sportive qui sera active. On va sortir du cadre, il y a aura l’association qui s’occupera en gros du secteur amateur avec les éducateurs, et d’autre part la société sportive qui aura à sa charge le secteur professionnel et qui est détenu par des investisseurs privés.
Et par rapport au financement du club, ça marche comment ?
Il est mixte, comme partout, après dans certains clubs il y a une plus grosse importance des collectivités, d’autres plus vers le privé. Nous c’est plus vers le privé. Pour donner quelque chiffres on a quasiment 55% du financement qui vient des partenaires, environs 35% de collectivités et en gros 10/12% de la billetterie.
Billetterie que 10% du budget du coup ?
Oui en gros. C’est l’exploitation de la salle mais dans l’exploitation de la salle il y a aussi la partie partenariat, la communication à savoir le fait d’avoir une entreprise sur le maillot ou sur le parquet par exemple, mais le plus gros morceau c’est les places, avec les places à prestation comme les VIP par exemple. C’est pour ça qu’il est important de disposer d’un outil pertinent pour cela, ici l’outil c’est la salle.
Notre salle est très belle, très qualitative, nous permet enfin de travailler comme on le souhaitait. Après elle n’est pas immense faut pas se leurrer. Elle était très vite pleine grâce aussi aux résultats, mais malgré tout c’est vrai que ce n’est pas une grande salle en terme de capacité. Par contre c’est probablement une des plus jolies salles en Pro B c’est une certitude, et même en France en termes de finitions.
Avant de parler des joueurs et de leur quotidien, comment se construit une équipe durant l’intersaison ?
Sur la partie recrutement on travaille en binôme avec le coach. Moi je fais en sorte de créer un schéma d’équipe qui respecte notre cadre financier, je suis en veille un peu toute l’année sur les autres championnats, Mickael (Hay) il est dans son championnat lui. Cependant, je n’imposerai jamais un joueur à Mickael s’il n’y croit pas, et à contrario il ne pourra pas imposer un joueur qui ne nous conviendra pas, sur le plan financier, des valeurs etc. Après on en réfère au président car bien sûr c’est lui qui est le signataire.
On essaye de respecter un projet, une ligne directrice et les valeurs d’un club, à commencer par un entraineur, ici Mickael Hay, qui est là depuis bientôt 5 ans. Dans notre éthique on essaye d’avoir toujours une forme de continuité. Ca ne veut pas dire garder 9 joueurs sur 10, c’est plus garder une dynamique, un état d’esprit. Il faut aussi être réaliste au sens du marché des joueurs, surtout au niveau des joueurs étrangers qui est extrêmement vaste. C’est très facile pour un joueur de dire qu’il aspire à autre chose sportivement ou financièrement, et c’est aussi très facile pour un club de dire « je peux trouver autre chose ». Nous on a comme politique de chercher à responsabiliser les joueurs français, y compris des jeunes.
Et pour des joueurs qu’on va prendre à l’étranger, qui viennent de divisions pas forcément équivalentes aux championnats Français, comment ça se passe ?
On cherche à savoir qui a joué où, en terme de championnat, de niveau brut, savoir si c’est pertinent de faire le rapprochement par rapport à la N1, Pro B, Pro A. On s’entend bien avec les agents même si ce n’est pas eux qui nous dictent les joueurs à prendre. Ca nous arrive de trouver un joueur et de chercher l’agent pour contacter le joueur.
Nous en général on essaye de toujours parler au gars, ça pourrait arriver de prendre des joueurs sur des vidéos, des stats, et transmettre une proposition à l’agent par mail qui signe sans en avoir parler ou discuter, mais chez nous ça n’arrive jamais. Chacun travaille à sa manière, on n’a pas les moyens de se déplacer partout mais dans l’idée ça serait l’idéal.
L’argument financier rentre aussi en jeu forcément, pour nous donner une échelle autour de quoi tournent les salaires en Pro B ? Et en Pro A ?
Tout est accessible dans le règlement de la ligue, le plus haut il n’y en a pas vraiment, après dans les faits si on parle en salaire mensuel net, en gros hors avantages en nature, les plus bas sont de l’ordre de 1500 selon la convention collective, ça peut être un peu plus bas avec ces avantages, pour la Pro B, et les plus gros salaires ça monte à environ 10 000 euros dans les équipes les plus « argentées ». Les clubs qui descendaient de Pro A cette année, ou des clubs qui étaient structurellement très solides comme Bourg l’année dernière, peut-être un peu plus même.
Les joueurs les plus chers c’est souvent les français, en moyenne à niveau égal les français vont être plus chers que les américains parce qu’il y en a moins et on est obligé d’en avoir un certain nombre, au même titre que les JFL (Jeunes Formés Localement). Après il faut trouver un équilibre, ne pas surpayer un joueur français ou sous-payer un américain.
En Pro A ça peut être de l’ordre de 30 000 par mois pour les salaires les plus élevés. Après quand on regarde la durée d’une carrière ça ne permet pas non plus de rester les doigts de pieds en éventail jusqu’à la fin de ses jours. Et on est en France, il y a de la fiscalité, des charges… Quand on compare au foot et au rugby ça reste pas énorme. Le joueur qui se pète la jambe, même s’il a joué 5 ans avec ce salaire là il devra être créatif pour trouver quoi faire du reste de sa vie. Même en Europe il y a des très gros salaires, en France moins.
Au niveau des joueurs étrangers il n’y a pas ce problème un peu cliché de venir juste faire son travail, prendre son argent et repartir ?
Si, il peut y en avoir, si on n’arrive pas à les intégrer dans le moule, dans le projet. Nous on n’a jamais eu ce problème-là. C’est assez difficile en Pro B si on prend 4 étrangers, ils peuvent « prendre le contrôle » de l’équipe. Si on a trois étrangers, un staff soutenu et des français confirmés, les étrangers vont rentrer dans le moule. En Pro A c’est encore plus difficile car ça peut monter à 6 étrangers c’est énorme. Il faut tacher de les faire s’intégrer au projet, et aussi mettre en avant le côté carriériste puisque cette année dans notre équipe par exemple, aucun n’a perdu de la valeur suite à notre saison. Après c’est comme dans tout on ne peut pas prendre juste le joueur sur son talent pur individuel.
C’est un travail avant tout du groupe, les valeurs qu’il dégage, l’envie de gagner, le fait d’adhérer à un projet commun qui est impulsé par l’entraineur, son staff, le club. Jouer dans une salle à peu près pleine, partager des choses avec le public, ça rentre en compte aussi. Ca reste un jeu avec des émotions derrière.
C’est quoi la semaine type d’une équipe, qu’est-ce qui se passe derrière le simple match du week-end auquel les spectateurs peuvent avoir accès ?
Pour Blois c’est deux entrainements par jour tous les jours, le matin plutôt travail individuel, révision de gammes, fondamentaux, jeu réduit, travail pré collectif. L’après midi entrainement collectif. Entre les deux repos, soins, jusqu’à la veille de match où l’entrainement est beaucoup plus léger avec une mise en place le matin et l’après-midi c’est optionnel. La vidéo le matin du match avec le shooting et le match le soir.
Après chaque équipe a son truc, ça c’est Mickael qui conduit tout ça. Nous c’est une séance vidéo collective. Il y a aussi des choses disponibles pour chacun, on a plein d’outils maintenant qui nous permettent de montrer des petites sections, actions à chacun des joueurs. Il y a un gros travail derrière chaque match et on a des supers outils. La mise en forme de la vidéo c’est l’entraineur adjoint qui s’en occupe, sous la demande du coach.
Comment l’équipe gère t’elle le calendrier où elle pourra être amenée à jouer trois matchs dans la même semaine puis ne plus jouer pendant 15 jours ?
On a l’habitude, quand il y a trois matchs dans la semaine on s’entraine moins, c’est de la récupération et puis on joue. Le plus compliqué c’est les nouvelles trêves internationales qui font deux espèces de coupures en novembre et en février. Il faut trouver l’équilibre entre donner du repos et ne pas perdre de rythme.
Concernant les trois niveaux officiellement professionnels en France (N1, Pro B, Pro A), quelles sont les principales différences ?
La N1 c’est un championnat qui ce veut déjà pro à la base, qui est bien organisé même si cette année ce n’était pas forcément le bon exemple avec certains clubs qui n’ont pas respecté la convention collective. C’est géré par la fédération, c’est un beau championnat qui met en valeur des joueurs français, on y a été assez longtemps pour le savoir.
La différence c’est dans le niveau d’organisation, niveau d’exigence, puis après forcément la qualité de jeu, la Pro B c’est plus athlétique. En Pro A ça va plus vite, pas forcément dans le jeu mais dans la prise de décision, les erreurs se paieront plus vite.
Pour finir, lorsqu’on compare le niveau des meilleures équipes de Pro A à celles d’Euroligue, notamment l’ASVEL qui doit l’intégrer bientôt, un gouffre semble apparaître. Qu’est-ce qui manquerait aujourd’hui à la France pour rivaliser avec les équipes d’Euroligue ?
Pour moi la France doit être meilleure dans la post-formation, arriver à mieux lancer les jeunes et à les garder. C’est vrai aussi qu’il nous faudrait des finances, et on a des taux de charges élevés par rapport aux autres pays, mais c’est en aucun cas une excuse, il faut réussir à trouver les bonnes solutions. Moi je trouve qu’en Pro A il y a beaucoup de joueurs étrangers. Quand je vois certains matchs où il y a 5 étrangers de chaque côté sur le terrain je me dis qu’on manque quelque chose. On a quand même de la qualité. Ca doit venir des entraineurs qui doivent être un peu plus ambitieux, mais il faudrait aussi qu’ils soient mieux traités par leurs clubs et qu’ils n’aient pas l’impression qu’ils puissent se faire dégager par quelqu’un de pas forcément compétent qui leur explique ce qu’ils doivent faire au premier écart. Tout ça c’est un ensemble, c’est aussi le partage d’une vision commune du basket qui mène à ça. Dans d’autres pays certains y arrivent très bien, il n’y a pas de raison qu’on n’y arrive pas.
Vincent Poirier qui est passé de la N1 à l’équipe de France en deux ans (voir notre dossier sur lui) est un très bon exemple, c’est un dossier qu’on connait bien, j’ai fait des pieds et des mains pour qu’il vienne ici, on y était presque mais à l’époque en N1 c’était compliqué. C’est un grand gabarit. Je me souviens du trophée du futur à Chalons-sur-Soanne, au premier coup d’œil c’était évident que c’était un futur joueur d’Euroligue. Après il faut casser les codes, les clichés qu’on a des fois et réussir à responsabiliser ces joueurs là tout en les protégeant, c’est un équilibre.
Merci à Julien Monclar pour sa disponibilité et son franc parler, qui malgré qu’il en ait fait son travail, semble toujours garder ce regard de passionné pour le basket.
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