Le sport de haut niveau demande de très grandes conditions physiques et un entraînement quotidien. Faites une rapide recherche sur n’importe quel moteur de recherche et vous trouverez rapidement des images de grands joueurs montrant leurs techniques de musculation et d’amélioration de leurs aptitudes de jeu. Le corps prend une place primordiale dans l’entretien d’une carrière de sportif, et quiconque oserait négliger son corps en paierait vite les conséquences, autant du point de vue sportif que personnel. Mais bien souvent, le grand public et même les sportifs eux-mêmes ont tendance à minimiser l’importance de l’esprit et de la préparation mentale dans le processus d’amélioration des performances. Le but n’étant pas ici de faire un cours de psychologie, on se concentrera sur les différents – mais rares – cas observés en NBA, et on parlera de ces techniciens de l’esprit dans les coulisses des franchises.
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L’expression mental d’acier prend tout son sens lorsque que l’on vient toucher au sport professionnel. Ou même encore un esprit sain dans un corps sain pour bien insister sur le rapport entre les deux.
Imaginez-vous arriver à un examen dont vous connaissez tout sur le bout des doigts, mais avec dans la tête des idées qui vous perturbe et vous empêche de vous concentrer sur votre copie : votre performance risque fortement d’être compromise. Pour le sportif c’est la même chose, mais chaque jour de match, soit 82 fois minimum pour le joueur de NBA. Et c’est là qu’intervient le coach mental.
La préparation mentale a pour but de préparer le sportif à affronter une compétition à enjeux comme un championnat ou un tournoi professionnel. Le coach mental doit aider le joueur à appréhender son stress, ses doutes, ses peurs et faire émerger en lui une motivation des plus importantes. De plus, il faut que le joueur parvienne à développer sa confiance en soi et à trouver un équilibre entre sa vie de sportif et sa vie personnelle. Tout cela doit se faire évidemment en parallèle d’un travail physique pour préparer le corps à ces compétitions. C’est pourtant une profession peu reconnue puisque encore trop abstraite, malgré l’efficacité de certaines méthodes. Cependant, les Américains ont déjà pris de l’avance sur l’Europe dans ces pratiques.
La pratique de la psychologie dans le sport a déjà plus de 70 ans, et a vu le jour lorsque Coleman Griffith s’est vu décrocher un poste au sein des Cubs de Chicago, l’équipe de baseball de l’Illinois. Ce sport, comme le golf, s’est tout de suite pris au jeu de développement mental, mais certains athlètes qui voulaient aller plus loin dans le basketball ont vite compris l’intérêt du processus.
En effet, lorsque Michael Jordan – et encore après Kobe Bryant – utilisera cette méthode appliquée par George Mumford (qui a notamment travaillé dans l’ombre de Phil Jackson lors de 8 de ses 11 titres de champion en tant que coach des Bulls et des Lakers), les résultats en parallèle d’une musculation rigoureuse se sont vite faits remarquer, notamment par Ian Connole, directeur du département de la psychologie dans le sport à Kansas State. Auparavant, la musculation ne dépendait quasiment que des demandes du coach principal d’une franchise. Jordan fit alors une petite révolution en allant de lui-même pousser de la fonte. Connole disait :
« Les méthodes deviennent de plus en plus précises, et grâce à ça, on peut amener les choses à un tout autre niveau. Quand quelqu’un voit que l’entraînement mental fonctionne pour les plus grands athlètes du monde, une personne qui a ce désir d’atteindre un tel niveau veut adopter et appliquer cette méthode. »
Mais en NBA et dans le basketball en général, il n’y a pas que le joueur qui compte, il y a le groupe. De ce fait, le coach mental doit travailler avec l’équipe dans sa globalité pour créer une cohésion de groupe idéale. Ce fut notamment l’objectif de Trevor Moawad en 2014, lorsque les Grizzlies de Memphis avaient besoin de travailler leur collectif sur et en dehors du terrain. Sa méthode était alors d’améliorer la communication et les relations au sein du groupe, tout en effectuant un travail personnalisé avec chaque joueur de l’équipe. Notamment, appréhender l’inconscient de l’athlète était une part importante de son travail.
« Moawad a rejoint l’organisation des Grizzlies pour transmettre ses savoirs en tant que coach d’endurance mentale. Il a récemment coaché sous les ordres de Nick Saban à Alabama University et de Jimbo Fisher à Florida State University pour les guider et permettre le développement des joueurs en dehors des terrains pour s’assurer qu’ils aient un comportement exemplaire sur le terrain. Par le partage de stratagèmes élaborés, il a joué un rôle vital dans l’obtention des titres NCAA glanés par ces deux écoles. »
En 2015, le Français Alexis Ajinça avait lui aussi fait appel à un coach mental, Français lui aussi : Cédric Quignon Fleuret, psychologue à l’INSEP, suivant le pivot depuis sa formation dans les murs de l’Institut. Alexis Ajinça a eu des périodes difficiles dans sa carrière en NBA, souvent effacé derrière Anthony Davis chez les Pelicans après trois autres franchises sans dépasser les 15 minutes de temps de jeu en moyenne. La méthode de son coach passait beaucoup par ce que le corps transmettait pendant les matches comme l’expliquait le joueur lui-même :
« J’essaie de lui parler chaque semaine pour avoir un retour de quelqu’un d’extérieur. Cela m’aide beaucoup à ventiler. Ce n’est pas facile mais je dois rester prêt pour chaque opportunité. Il regarde mes matches et analyse mon approche à travers le langage corporel notamment. Quand je suis rentré en France, j’étais déprimé car je pensais avoir le niveau pour jouer en NBA. J’avais besoin de parler à quelqu’un qui me connait depuis longtemps. Et on a gardé ce mode de fonctionnement depuis. »
Malgré tout, Ajinça estime qu’il est à présent suffisamment expérimenté pour continuer sans cet entraînement de l’esprit.
Plus récemment, c’est Jaylen Brown que l’on découvrait utilisant les méthodes d’un coach mental pour préparer ses rencontres face à LeBron James en finales de conférence, alors que Boston affrontait les Cavaliers tenants du titre, en mai 2017. Graham Betchart de son nom, a alors demandé à Brown de s’écrire à lui-même un morceau de rap avec des phrases de motivation qu’il écoutait avant chaque match. Le but est de personnaliser le processus de motivation – en évitant les chansons connues – pour rentrer dans une bulle de concentration et se recentrer sur soi-même.
Jaylen Brown avait rencontré Graham Betchart peu avant d’entrer dans la cour des grands, après l’Université. Lors d’un dîner de plus de 3 heures, les deux hommes ont échangé et Brown a pu apprendre avec différentes techniques à supporter les critiques et la pression médiatique qui s’abattra sur lui une fois drafté. De plus, certaines de ses sorties n’avaient pas trop plu, le montrant comme arrogant et trop sûr de lui. Betchart disait alors :
« Qu’est-ce que nous contrôlons ici? Le basketball, c’est ce que tu fais, pas ce que tu es. Laisse-les avoir leur opinion sur toi. C’est le jeu. […] Ils sont tellement attachés à ce qu’ils font. Jaylen est un être humain qui a choisi de jouer à un jeu de gamin. Si tu apprends à le voir comme ça, cela peut faire s’en aller la pression et ensuite, tu n’as plus peur d’échouer. »
Avec également à son tableau de chasse 3 des 4 derniers numéro 1 de draft NBA (Andrew Wiggins, Karl-Anthony Towns et Ben Simmons), Graham creuse son trou au sein de la Ligue et se fait repérer et bien voir. Son travail paie et les jeunes joueurs continuent d’utiliser ses méthodes à des fins améliorant leurs performances et leur sérénité sur le terrain.
« Une grande part de mon travail consiste à planter la petite graine dans la tête de ces gars, et quand ils se sentent atteints, je suis là. Ce n’est pas normal pour ces jeunes hommes d’être atteints ou vulnérables, donc je veux être là quand ils se sentent dans le besoin. »
Graham Betchart, inspiré par Coleman, a monté un programme de préparation mentale, appelé Play Present puis racheté par Lucid au printemps 2016, où certaines têtes connues de la NBA apparaissent, comme Jaylen Brown, Skal Labissière, jeune joueur des Kings ou encore Aaron Gordon, le dunkeur fou du Magic, qui est lui suivi par Betchart depuis ses 11 ans.
« Je voulais des gars qui étaient contents (d’utiliser cette méthode), et après nous pourrions travailler sur sa généralisation pour toucher le reste du monde. Vous n’avez pas nécessairement besoin d’être un joueur professionnel pour faire ça. Tout le monde devrait être capable de télécharger l’application et faire sa préparation mentale. »
Le coaching mental se développe année après année grâce au succès de ceux qui osent franchir le pas. Tout comme une bonne préparation physique, avoir un bon mental ne garantit en rien une carrière à la Michael Jordan, mais cela contribue fortement à l’atteinte des objectifs fixés par celui qui utilise cette méthode. Graham Betchart et les autres coaches et psychologues cités continuent de développer leur pratique pour montrer l’importance de l’esprit dans le sport, mais aussi au travail et éventuellement pendant les années passées à l’Université ou dans les grandes écoles. Cependant, cela ne règle pas les problèmes, le coach mental aide seulement à les appréhender et à les surmonter le temps d’une compétition.
En Europe, c’est encore peu reconnu, mais aux Etats-Unis, la plupart des grandes franchises tous sports confondus, comptent dans leurs rangs un préparateur mental, et souvent, lorsque la motivation des joueurs et là, le travail paye. Malheureusement, on n’a pas encore trouvé la recette miracle pour faire gagner des titres !
Bonus : Voici les réponses finales au sondage proposé par Parlons Basket sur Twitter. Sur 2 056 votes, exactement la moitié est destinée à la proposition « Carrément », ce qui signifie un bel intérêt de la part des internautes pour cette pratique. Cependant, une soixantaine de personnes estime que ces méthodes ne sont pas nécessaires à la vie du sportif. On notera aussi les 36% en faveur d’un « Oui » sans pour autant prétendre à une nécessité importante.
Selon vous, le coaching mental est-il vraiment nécessaire au sportif ?
— Parlons Basket (@ParlonsBasket) 12 septembre 2017