Interview, Sandrine Gruda : « Ce titre de WNBA, une très très grande fierté »

Retour sur une saison un peu folle pour notre internationale Sandrine Gruda. À Ekaterinburg depuis un bout de temps, une blessure l’oblige à tirer un trait sur la fin de saison, jusqu’à sa rééducation en France. Revenue sur les parquets à temps pour l’été olympique avec l’Equipe de France, Sandrine Gruda n’a pas perdu de temps après la défaite pour la médaille de bronze aux JO face à la Serbie. Partie rejoindre les Sparks de Los Angeles, elle décroche un titre de Championne WNBA, avant de rejoindre l’Europe et la Turquie, pour une saison sous de nouvelles couleurs.

PB : Déjà, comment allez-vous ?

Sandrine Gruda : Honnêtement, ça va ! J’ai du mal à réaliser que je suis à Paris (interview réalisée mercredi 26 octobre), je voyage beaucoup. Du coup, même si les paysages ne se ressemblent pas, il a fallu que je répète plusieurs fois, « Je suis à Paris là, je suis en France » (Rires).

PB : Vous avez vécu une saison compliquée avec notamment une blessure à l’aponévrose plantaire… Ekaterinbourg vous a permis de faire votre rééducation en France. Pourquoi avoir choisi de revenir en France, loin de votre club ?

SG : Je préférais me faire soigner par des médecins français. C’est simplement ça, et je tiens à dire que je ne veux blesser personne en Russie, parce que c’est un club que j’affectionne énormément, pour qui j’ai joué pratiquement pendant dix ans.

PB : Au TQO, qui se déroule en France, vous n’êtes pas à 100% de vos capacités. Vous doutiez à ce moment là ?

SG : Oui, j’ai douté. J’ai même beaucoup douté. J’ai douté sur la façon dont je me suis remise en forme, si j’avais pris suffisamment de repos, et si je n’étais pas trop ambitieuse à vouloir revenir, si j’aurai du prendre plus de temps, s’il ne fallait pas que je concentre principalement mon attention sur mon physique, la muscu… Est-ce que j’avais vraiment fait suffisamment pour pouvoir revenir ? Clairement, quand j’ai repris notamment avec l’équipe de France, j’ai eu un lot de blessures qui a resurgit. Des petites blessures, c’est à dire un muscle de mon quadriceps qui m’a fait défaut, puis mes ischios. Donc oui, je me disais que je comprenais qu’il fallait que je remette la machine en route, mais moi je n’avais jamais eu l’habitude de ça.

PB : Vous voilà partie à Rio, et avant même la cérémonie d’ouverture, Céline Dumerc se blesse.  Comment avez-vous vécu la blessure de Céline à l’intérieur du groupe, et même personnellement ?

SG : Personnellement, j’étais déçue pour elle parce que, je savais que ça allait et ça devait être sa dernière campagne, et que justement, elle voulait terminer sur celle-là. Je me suis mise à sa place, je me suis dis qu’elle devait ressentir beaucoup de peine par rapport à ça, mais aussi parce qu’elle avait quand même mal, elle venait de se blesser.  Moi qui sortait d’une blessure, maintenant je comprends un peu mieux dans quel état on se trouve lorsqu’on est épargné à cause de ça.
Du point de vue du collectif, honnêtement, je trouve que nous toutes, on l’a bien géré. On n’a pas eu de moment de panique, on s’est dit que maintenant, il fallait faire sans et accueillir Amel (Bouderra) dans le groupe. Tout simplement, faire avec les filles qu’on avait. Et on était capable, on a eu l’équipe pour justement palier à son absence, on a fait ce que l’on devait faire.

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Crédit photo : FIBA

PB : Puis tout s’est enchaîné, Amel Bouderra est arrivée, les matchs ont filé. Quart de finale remportée face au Canada, puis la chute en demie et la désillusion face à la Serbie. Pas de médaille pour l’EDF au Jeux. La déception est passée ?

SG : Oui, la déception est passée. J’ai vite compris que l’on a que ce que l’on mérite. On n’a pas forcement joué notre basket contre la Serbie et donc clairement on mérite cette quatrième place. On aurait joué comme on a l’habitude de jouer, voir mieux, pour moi, on aurait effectivement pu accrocher ce match et battre la Serbie… Malheureusement, on n’a pas fait le travail, donc clairement, il y a de la déception sur le coup, mais après on accepte.

PB : C’était un été chargé, juste après la fin des jeux, vous voilà partie en WNBA pour la deuxième partie de championnat. Vous saviez avant même les jeux que vous iriez finir l’été en WNBA?

SG : Oui, carrément. J’avais décidé de rejoindre la WNBA en mai, c’est à dire bien avant que la saison ne commence. Quand je suis allée à Los Angeles, j’ai été voir mon coach, on a discuté, et j’ai pris la décision de revenir en WNBA après les Jeux. Donc ça n’a pas été une surprise.

PB : A Los Angeles, vous retrouvez Candace Parker, votre ancienne coéquipière et amie. Elle a juste réalisé une saison phénoménale…

SG : C’est clair… (Petit rire). Elle a réalisé une saison phénoménale. Et pourtant, elle n’a pas été prise en équipe nationale américaine pour aller aux jeux. Et peut-être que c’était la meilleure chose qui aurait pu lui arriver. C’est un secret pour personne, elle a quelques problèmes physiques depuis ses années universitaires. Mais si ça se trouve le fait d’aller aux Jeux lui aurait peut-être nuis, elle n’aurait peut-être pas eu la force, ni les capacités de pouvoir performer comme elle a pu le faire pendant la saison. Je pense rien n’arrive par hasard. (Rires). Même quand un élément négatif et inattendu surgit, il faut chercher le positif. Pour prendre mon exemple, j’ai beaucoup douté cette année et pourtant au final, je remporte le titre WNBA.

PB : Avec la nouvelle formule des Playoffs, vous êtes rentrée en lice sur le tard. Comment l’attente se gère t-elle, et à votre sens, cela a-t-il eu un impact en demi finale ?

SG : Alors oui, ça a eu un impact. Il faut dire que ça a été le deuxième mini break de la saison. Le premier break a été les Jeux, et c’est vrai que suite au break des JO, on n’est pas revenues en pleine forme. L’équipe n’était plus aussi saillante qu’en première partie de saison. Finalement, on a appris de ça. C’est vrai que ça nous a permis de bien reposer notre corps pour justement être prête derrière.

PB : Finale Minnesota vs Los Angeles, la hiérarchie a été respectée. La finale fut tendue jusqu’au bout, elle s’est joué en 5 matchs. Personnellement, vous n’avez pas eu spécialement beaucoup de temps de jeu. N’est-ce pas un peu frustrant ? 

SG : Alors, ça l’a été, ça a été un peu frustrant sur le coup, mais ça a été bref. Parce que un, je m’y attendais, c’était un peu pareil les années avant. Je ne contrôlais pas cet aspect là, donc clairement ça ne servait à rien d’être frustré. Il fallait simplement que je me concentre sur le positif et sur la façon dont je pouvais apporter mon aide à l’équipe. Ce qui est d’ailleurs pour moi, le plus important. Aujourd’hui, j’ai 29 ans, j’ai un peu plus de recul, de maturité. J’aurai eu 21 ans, clairement ça aurait été insupportable. Aujourd’hui, non. Il suffit simplement de penser au positif et d’aller dans ce sens là.
Quel a été mon apport ? Il a été un peu plus verbal en fait. Il a été là physiquement, du coté basket à l’entrainement. Il faut savoir qu’on est 12 joueuses dans l’équipe, mais en clair, il n’y avait que 7 joueuses qui jouaient. Les 5 européennes ne jouaient pas, il faut dire les choses… Par contre à l’entrainement, c’était à nous de jouer dur contre les filles pour les préparer aux matchs. L’entrainement était pour nous des matchs… Il fallait être professionnelle, assidue…

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Crédit photo : Gettyimages – David Sherman

PB : Vous avez finalement fait le travail de l’ombre.

SG : Totalement. Mais il faut savoir que nous cinq, nous sommes restées hyper professionnelles. On a fait notre taff, et ça c’est hyper important à savoir. Ce n’est pas spécialement évident d’être dans une équipe où y a que sept joueuses qui jouent. Nous en tant que joueuses du banc, on a un choix à faire. Rester professionnelle et aider du mieux que possible, ou ne pas l’accepter, être frustrée et pourrir le groupe. Une joueuse qui pourrit le groupe, ça va c’est contrôlable. Cinq joueuses… C’est vite particulier, ingérable.

PB : Et vous voilà championnes WNBA, la première pour une française…

SG : C’est une très grosse fierté, une très très très grosse fierté (Rires). Jouer le titre de WNBA… Dans ma carrière, j’ai beaucoup reçu d’aide des gens, de ma famille, de mes ami(e)s, de mes coachs, des joueuses avec qui j’ai pu évoluer. Pour moi, il n’y a rien de mieux que de redonner, de transmettre aux autres. Justement, à mes yeux, quoi de mieux que de montrer l’exemple. C’est important d’inspirer d’autres joueuses, en leur disant la simple chose : Si vous le voulez, allez-y, n’hésitez pas. C’est important d’ouvrir la porte aux autres, et de les inciter à faire le reste si c’est un objectif pour elle de rejoindre la WNBA et d’aller y gagner un titre…

PB : 9 saisons à Ekaterinburg. Pourquoi avoir fait le choix de quitter Ekat ?

SG : En fait, j’étais en fin de contrat. Je dirai que j’ai toujours eu ce désir dans ma tête de quitter le club d’Ekaterinburg pour jouer ailleurs. Mais je n’ai jamais osé le faire car j’avais réalisé, j’avais compris, j’avais conscience des conditions extraordinaires que j’avais à Ekaterinburg. Des conditions que je ne reverrai jamais ailleurs. Clairement je me suis dis qu’il fallait que j’en profite. On gagnait, toutes les conditions étaient réunies pour réussir. J’avais donc conscience de ça, j’étais très reconnaissantes d’avoir pu jouer à Ekaterinburg pendant ces neuf années, mais au fond de moi j’avais envie de tenter une expérience ailleurs. Quand l’opportunité est arrivée, je me suis dis « voilà, c’est l’occasion ».

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Crédit photo : Fenerbahce

PB : Qu’attendez vous de ce nouveau départ en Turquie ?

SG : De mûrir encore d’avantage… Je pense qu’on apprend à partir du moment où l’on fait de nouvelles expériences. Ensuite de pouvoir découvrir de nouvelles structures, de nouvelles personnes etc… Et puis bien sur, de pouvoir gagner avec cette équipe de Fenerbahçe, remporter les championnats locaux et le titre d’EuroLeague que cette équipe n’a encore jamais remporté. Pour moi, ça serait l’occasion de pouvoir aider à gagner ce titre.

PB : Est-ce qu’on a une chance un jour de vous revoir jouer sur les parquets français, pour un club hexagonal  ?

SG : Oui… Si l’occasion se représente, pourquoi pas.

Toute l’équipe de Parlons-Basket remercie Sandrine Gruda. Une nouvelle fois, nous souhaitons lui adresser toutes nos félicitations pour le titre de WNBA ainsi qu’une bonne saison à venir !

Interview téléphonique réalisée le 26 octobre.

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